L'Europe est vraiment loin des années 1970 quand le Front national de Jean-Marie Le Pen s'emparait de la première municipalité et émergeait sur la scène politique française. Le vieux continent le scrutait alors avec distance, il est vrai, mais ne pouvait dissimuler sa crainte de ce mouvement qui pouvait le ramener des décennies en arrière. Avec les guerres portées par les idées nazies et fascistes et qui semblent renaître aujourd'hui sous cette forme. Ce n'est plus une dérive portée par des marginaux comme les skinheads, mais par des franges de plus en plus importantes, avec insignes et chemises brunes. Ce n'étaient pas des parades de farfelus, mais des démonstrations de force que l'opinion pouvait jauger à chaque scrutin. Et cela, l'Europe, qui autorisait cela au nom des libertés, ne pouvait l'ignorer. Nul ne pouvait croire que cette tendance allait quitter son ghetto et s'étendre à travers toute l'Europe. Enfin, se disait-on, car ce souhait était trahi par des considérations politiques. Beaucoup de calculs n'ont fait que renforcer cette tendance. D'aucuns n'hésitent pas à lui emprunter ce qu'ils considèrent comme ses idées force. Ainsi en est-il des politiques dites sécuritaires que l'on convoque à chaque élection, mais au juste, afin de compenser les échecs politiques. A chaque fois, pour tous ceux qui étaient en mal d'arguments, le problème ce sont les autres – entendre par là les étrangers, et encore pas tous, car même la xénophobie devenait sélective, avec ce concept tout aussi fasciste d'ENE (étranger non européen) développé par le parti français d'extrême droite dès la fin des années soixante-dix. C'est ce que l'on a retrouvé tout au long de nombreuses années sous des formes et des politiques bien différentes, comme les approches dites d'intégration, la déghétoisation, et encore ce qu'on désigne plus généralement sous l'appellation d'aménagement du territoire. La tête est toujours pleine pour faire passer de telles idées, bonnes pour briser ce qui tient lieu de réseau de solidarité. C'est aussi l'accès à l'emploi au point où est envisagé le CV anonyme. En fait, tout était bon pour au moins inciter au départ. Et quand de tels moyens ne suffisaient pas, les étrangers en question faisaient face à la violence physique. Cela se passe dans certains pays européens. Le phénomène, se rend-on compte, n'est absolument pas nouveau et il ne fait que s'étendre depuis au moins trois décennies, sans limite aussi dans l'espace puisque de telles idées gangrènent désormais toute l'Europe jusque dans les anciennes républiques communistes où l'extrême droite a été propulsée sur le devant de la scène pour des raisons mal maîtrisées. Ou, plus simplement, du fait des échecs des élites dites traditionnelles, incapables de produire des idées nouvelles et donc de faire face aux situations difficiles. C'est aussi cela, l'Europe du XXIe siècle. Aussi, ne manque-t-on pas d'admettre, le risque est grand.