Ich N'Oul, ou la corne du cœur. C'est l'appellation berbère, qui s'est transformée avec le temps en Ichemoul, de cette commune située au cœur des Aurès, à 53 km au sud-est du chef-lieu de wilaya. En y arrivant, on est surpris par le nombre de vergers de pommes qui dominent une grande partie des terres agricoles. Une pomme bio, succulente et de couleur or. Ichemoul dispose de vergers de pommiers qui s'étendent sur plus de 500 ha, environ 40 % des terres de la commune, le reste de la superficie étant des montagnes. Les arboriculteurs, propriétaires des vergers, dépassent les 348. On nous dit que presque, sinon toute la population d'Ichemoul, un peu plus de 10 200 âmes, vivent de la production de pommes qu'ils écoulent dans les différents marchés de la wilaya de Batna et même ceux des autres wilayas, du Sud notamment. «La pomme a été introduite dans la région à partir de 1971. Avant, c'était la céréaliculture qui dominait sous l'influence de la révolution agraire», raconte Lakhdar Agabi, P/APC d'Ichemoul. Et de poursuivre: «Au début, les citoyens avaient refusé de changer les traditions ancestrales selon lesquelles chaque père de famille avait le devoir d'assurer le pain des siens en récoltant le blé de sa terre. Ils se moquaient de ceux qui ont osé l'expérience, qu'ils qualifiaient de maigre bâton.» Les quelques agriculteurs qui ont tenté l'expérience ont rapidement connu la réussite. Peu à peu, celle-ci s'est étendue pour toucher l'ensemble des fellahs de la commune, même ceux des communes voisines comme Foum Toub et Inoughicen. «En 1985 c'était l'explosion ; les pommiers ont couvert nos terres. Par contre, la céréaliculture a disparu à jamais », explique notre interlocuteur. La Gestion de l'eau, le souci majeur des arboriculteurs L'un des villages d'Ichemoul, le vieux Medina, a été surnommé le Koweït, après que ses habitants se sont enrichis grâce à la pomme. Les arboriculteurs n'ont cependant qu'un souci: L'eau. C'est vrai que la pluviométrie est assez bonne ces dernières années, mais l'eau se perd dans la nature. «On a besoin de refaire nos rigoles comme on est dans l'urgente nécessité de l'électrification rurale pour nos pompes. Les moteurs à diesel ne sont pas vraiment efficaces», nous fait savoir Omar Aberkane, un agriculteur, qui souligne que la commune dispose de trois puits et de deux bassins. Pour le maire d'Ichemoul, l'on a besoin d'au moins sept retenues pour contenir les eaux qui déferlent des deux montagnes, Ichemoul et Chelia. Il dira à ce sujet: «On a proposé sept retenues aux services concernés, et on a bénéficié d'un seul ouvrage pour le moment, lequel est achevé dans la région d'El Hadjadj, à quelques kilomètres avant l'entrée de la commune, et un autre qui sera réalisé au lieudit Khanguet El Dhebane, dans le village du vieux Medina.» On s'est déplacé sur le lieu du second projet, accompagné du maire et de Benaâkcha, un ancien enseignant d'anglais qui s'est converti en arboriculteur. Ce dernier nous explique: «Les hivers passés ont été rigoureux ; les hauteurs ont été couvertes d'un tapis épais de neige. Avec la chaleur, celle-ci fond et s'écoule vers les plaines pour finir dans l'oued, sans qu'on en profite pleinement. Sur les lieux se trouve une importante source qui n'est pas exploitée comme il se doit.» Avant, l'eau de l'oued Labiod (Ighzer Amellal) était plus que suffisante, mais depuis quelques années elle est devenue inutilisable car polluée par les eaux des égouts et des rejets des petites fabriques longeant cette vallée qui traverse les Aurès. «Les autorités ont installé deux petites stations d'épuration, mais rien n'a changé, c'était trop rapide pour être bien fait», dira Benâakcha. «On a besoin d'un projet d'envergure pour en finir avec cette pollution qui frôle la catastrophe», a-t-il ajouté.