Des centaines d'hectares de terres, des milliers de pommiers et autres arbres seront engloutis, et l'indemnisation est dérisoire, sinon insignifiante selon les propriétaires, qui ont déjà manifesté leur mécontentement. La paisible commune de Yabous dans la wilaya de Khenchela vit au rythme de la réalisation d'un barrage, qui partage cependant la population et surtout les agriculteurs producteurs de pommes entre partisans et opposants. Le barrage de Taghriste, qui est situé à 60 kilomètres au sud-ouest de Khenchela, sur les hauteurs de la commune de Yabous, est destiné à l'irrigation des plaines de Yabous, des communes de Ouled Fadhel, Timgad et l'alimentation en eau potable des localités avoisinantes. Présenté de cette manière, le projet devait normalement être accueilli, à bras ouverts par la population de toute la région. Ce n'est pas le cas, car sur le terrain aux lieu- dits Bouhazra, Oumselem, Zkak, où les travaux auront lieu pour la réalisation du projet, des fellahs (arboriculteurs) voient rouge. Et pour cause, des centaines d'hectares de terres, des milliers de pommiers et autres arbres seront engloutis et l'indemnisation est dérisoire, sinon insignifiante selon les propriétaires, qui ont déjà manifesté leur mécontentement, il y a une vingtaine de jours, par un sit-in symbolique, à l'entrée du chantier du barrage. Le nombre des agriculteurs touchés par l'expropriation est de 80. C'est l'arboriculture en général et le pommier en particulier, qui prédominent comme activité agricole, mais un bon nombre de fellahs ont recours à la diversification des productions selon les saisons : maraîchage, élevage (bovin, ovin) apiculture et céréaliculture. Les 56 habitants qui sont encore sur place et en exploitation des vergers, en dépit du démarrage des travaux,entamés par l'Agence nationale des barrages et transferts, ne contestent pas le recensement réalisé par un expert, mais plutôt l'indemnisation qui leur est proposée, qui frise le mépris, selon leurs dires, et qui ignore, totalement, les années de labeur et de travail. Les agriculteurs rencontrés sur les lieux, ne cachent pas leur mécontentement. Si nos interlocuteurs doutent de l'utilité du barrage, puisque la région regorge d'eau, pourquoi alors réaliser un barrage ? Aussi, la pomme de la discorde (c'est le cas de le dire) reste la sous-évaluation et le très faible taux d'indemnisation et les exemples ne manquent pas. Un arbre (pommier) en production est estimé à 1 500 DA. Or, à lui seul un pommier peut donner 2 quintaux de pommes et rapporter 20 000 DA. Une équation nous est proposée par les fellahs, qui s'étonnent de l'entêtement de l'administration à vouloir inonder par le barrage 175 hectares déjà en production, pour irriguer 400 hectares dans l'avenir. Les plus touchés sont des propriétaires, qui vont perdre pour certains, plus de 1 000 pommiers et des investissements lourds : puits, habitations, clôtures, estimés en milliards de centimes. Ayant refusé les indemnisations proposées, ils ont engagé une procédure en justice qui est en cours, ils réclament une nouvelle estimation, auprès de la chambre administrative de Oum-El-Bouaghi. À la base-vie de l'Agence nationale des barrages et transferts, au bureau du chef de projet, Bentaya El Khyar, l'approche est autre, et l'intérêt public prime. Selon le premier responsable du projet, les travaux avancent et les expropriations seront réglées dans les plus brefs délais. C'est la wilaya de Khenchela qui se charge du dossier, des agriculteurs ont été indemnisés, d'autres refusent, c'est la justice qui va trancher. Les travaux de réalisation du barrage ont démarré au mois de mai dernier et la réception aura lieu le 20 novembre 2012. Le barrage de Taghriste est d'une capacité totale de 570 millions de mètres cubes, avec une digue d'une hauteur de 40 m et une longueur de 430 m, et en plus une particularité à savoir qu'il sera réalisé en terre et non en béton. Si les protagonistes ne communiquent plus, il y a cependant unanimité. Tout le monde souhaite une revalorisation et une réévaluation des indemnisations, préférant l'anonymat et par obligation de réserve, beaucoup de cadres estiment que les producteurs de pommes méritent un dédommagement équitable, car la loi en vigueur actuellement est obsolète.