On t'a vu à la une des journaux et sur France 24 et tu n'as pas encore de travail ?» «Le wali ne t'avait pas promis un poste eu égard à tes vieux parents ?»… Ghobchi Madani, 27 ans, est devenu une célébrité depuis sa participation à la marche des chômeurs, à Alger. Il est sans cesse hélé par les agents de l'ordre qui s'étonnent de le voir encore et toujours devant le bureau de l'emploi ou la wilaya. Mais ce jeune sans emploi, qui a pris part à toutes les manifestations de chômeurs ces trois dernières années, continue à squatter un local commercial vide à l'entrée de son quartier, Saïd Otba, pour ne pas déranger le sommeil de ses sœurs le soir. Il continue à éplucher les fonds de cageots au souk du ksar pour nourrir sa famille. Chômeur depuis plusieurs années, Ghobchi Madani est l'aîné d'une fratrie de trois sœurs et d'un petit frère mongolien. Ses parents sont vieux et démunis, ses quatre sœurs font un peu de couture et du ménage ; il a un jeune frère handicapé. «Quand on n'arrive même pas à nourrir sa famille et à soigner ses parents, il y a de quoi vouloir s'en aller pour de bon.» Par deux fois, il a échappé à la mort. Ancien manœuvre de sonde dans une entreprise pétrolière étatique, il a été réformé sans indemnisation après un accident de travail qui lui a valu une longue période de convalescence. Recruté sous contrat à durée déterminée (CDD) en 2008, aucun égard ne lui a été concédé lors de son licenciement. Il se rend chaque matin au bureau de main-d'œuvre pour postuler à un emploi. Au bout de deux ans, il se taillade le ventre avec un couteau. Il ne sera plus admis au bureau de l'emploi. Le principal problème de Ghobchi Madani est d'être parmi les leaders du mouvement de contestation qui a repris, en 2010, le flambeau de la lutte contre la mauvaise gestion du dossier de l'emploi dans les zones pétrolières. Depuis leur tentative de suicide collectif, en juillet 2010, ses amis et lui sont taxés de perturbateurs de l'ordre public. «Avant, les responsables nous écoutaient à moitié, faisant mine de noter nos doléances dont ils se souciaient peu. On avait beau leur dire que nous n'accédions pas aux postes qui partaient bien avant l'affichage, que les pseudo-tests organisés par les entreprises n'avaient pas lieu ou se soldaient par des renvois sans suite, rien à faire.» Ghobchi Madani fait partie du Comité de défense des droits des chômeurs qui a organisé la marche d'Alger et compte organiser une nouvelle marche à Ouargla, lundi prochain.