Ouargla, hier, 9 h. La direction régionale Sud de l'Agence nationale de l'emploi (ALEM) est encore sous haute surveillance après l'avortement, par les forces de l'ordre, d'une tentative de suicide collectif entreprise par une dizaine de jeunes chômeurs. Ce n'est qu'à midi, après une matinée plutôt calme, que la rue s'est vidée. La veille à la même heure, l'acte désespéré de nombreux jeunes chômeurs exaspérés par des années d'attente a mis en émoi la population locale, qui n'est pas restée insensible à leur cri de détresse. Pour S. Salem, « tout stagne depuis des années à Ouargla. On ne s'explique pas pourquoi des jeunes à la fleur de l'âge sont livrés à eux-mêmes dans une wilaya regorgeant de postes d'emploi qui profitent aux jeunes d'autres wilayas ». Entre 13 000 et 15 000 emplois sont proposés chaque année dans le seul bassin pétrolier de Hassi Messaoud, selon les statistiques de l'ALEM, qui se poste en intermédiaire entre les employeurs et les demandeurs. Cette agence souligne le manque de qualification de la main-d'œuvre locale et sa désorganisation, ainsi que les tergiversations des sociétés pétrolières qui envoient leurs offres à la veille de l'expiration du délai réglementaire de 21 jours d'affichage de l'offre à l'ALEM, imposant des conditions draconiennes, voire déraisonnables, aux nouvelles recrues. La situation devient dramatique pour les jeunes sans emploi dans la mesure où leurs témoignages sur les conditions de délivrance d'un bulletin d'embauche et le parcours du combattant qui s'ensuit sont édifiants. Ils dénoncent globalement le favoritisme de l'ALEM et des entreprises ainsi que les pré-requis impossibles, de leur avis, pour des postes de petite main-d'œuvre. Les chômeurs suicidaires de mercredi dernier, notamment Ghobchi Madani et Chemkhai Eddine, les instigateurs de cette contestation désespérée sont issus de milieux très défavorisés : l'un est repris de justice ayant purgé sa peine, l'autre est doté d'une petite morphologie, chétif et de santé fragile. Les deux venaient d'être déclarés inaptes à l'embauche respectivement par l'ENSP et l'ENTP. Ils s'estiment lésés par la main de fer qui s'abat, selon eux, « sur chaque chômeur qui porte le faciès local et ne parle pas couramment le français et/ou l'anglais ». Les chômeurs suicidaires ont réussi, mercredi dernier, à déjouer le dispositif sécuritaire de la direction régionale de l'ANEM. Ils sont montés sur la terrasse de la bâtisse de l'ex-DNC, située en plein cœur de Ouargla, et dont les bureaux sont loués à plusieurs sociétés et instances administratives. Ces jeunes, qui habitent à proximité de l'agence locale de l'ANEM, défilent régulièrement devant le siège de la wilaya pour demander la prise en charge de leur doléance de toujours, celle qui les sort épisodiquement dans la rue, l'emploi, la dignité. -