Tous les chemins mènent à la poésie. A défaut de guérir le monde, la poésie lui donne un sens. Ghanima Ammour a puisé la musicalité en elle pour trouver le vertige des mots. Cet équilibre instable se révèle salvateur. L'automne n'est pas une saison morte, n'annonce pas toujours l'hiver. Mourir pour renaître n'est pas une fatalité ; on peut mourir plusieurs fois. On meurt souvent, la vie nous rattrape à chaque fois. Parce qu'hier c'est déjà maintenant, il suffit parfois de le décider, observe Ghanima Ammour. «La guerre a survécu/Aux plus têtus/ Des hommes de paix/ Les chaînes se renouvellent/Pour chaque prisonnier/Même si le geôlier/Ne fait plus la sentinelle/Devant sa prison dorée/La réminiscence de la révolution/N'est peut-être pas pour aujourd'hui !/Mais demain c'est hier/Et hier c'est maintenant/Il suffit parfois de le décider…» Etre énarque – elle est passé par l'ENA de Hydra – ne guérit pas de la poésie. Ghanima Ammour ne croit pas en la linéarité, elle cherche dans la multiplicité les voies qui amènent à soi et à l'Autre. Dans un dialogue imaginaire, elle s'adresse à Rimbaud avec le langage dépouillé de ceux qui voient au-delà des apparences : «Je viens du mont Algérie/J'ai retrouvé dans ta prairie/Comme la mienne le même abandon/La lavande têtue/Ne voulait pas sécher (…) La censure a étouffé/L'humanité précoce/De l'enfant des Ardennes/Ainsi il put renaître/Dans ma bouche/Comme un psaume.» La crymal poème On vient toujours de quelque part, les destinations sont plus incertaines. Le passé a beau se décomposer, il n'en demeure pas moins vivace, enfoui sous le sommeil du présent, vigilant pour un réveil-surprise. Alger, Behdja, se moque du temps qui passe, voit les hommes s'égarer dans des idéologies mortifères, sait que sa blancheur est éternelle malgré ses hôtes : «A travers toi/Je dénonce ceux pour/Qui le mensonge est une prière/Ils s'en vont en tremblant/Allumer des cierges/A l'autel de l'imposture/Avec une telle ferveur/Que notre Dame d'Afrique en pleure.» Les blessures ne se cicatrisent pas toujours. Ghanima Ammour pleure encore Tahar Djaout, assassiné par des forces ténébreuses, refusant la vie, l'art, le verbe : «On a tué les vers !/Le bruissement d'eau t'inspirait/Mais que faire ?/Quand on oublie le printemps/De crainte de voir l'univers !/On s'est caché/On s'est erré/Le mot nous a rattrapés/Le courage enfante la peur/Quand la peur conduit à la témérité !» A savourer ce poème, Transcription : «Dis et moi j'écrirai/Cette douleur irascible/De ton être broyé/Traversant les moissons/Sans aucun grain de blé.» Mémoires de mes automnes de Ghanima Ammour, aux éditions Apopsix.