La zone d'exclusion aérienne décrétée par le Conseil de sécurité de l'ONU se meut chaque jour un peu plus en une entreprise mal dissimulée d'imposer une scission de la Libye. Paris, Washington et Londres ne s'encombrent même plus de formules diplomatiques pour évoquer crûment la possibilité d'armer les opposants d'El Gueddafi. C'est une bien mauvaise nouvelle que David Cameron et Alain Juppé nous ont jetée à la figure. D'autant plus mauvaise que cette proposition indécente a reçu l'onction du Nobel de la paix, Barack Obama. Ce dernier semble visiblement tenté par la «Busherie» de son prédécesseur qui, en 2003, a grillé la politesse au Conseil de sécurité pour aller «héliporter» la démocratie et la larguer en Irak avec les conséquences que l'on sait. C'est ce film d'épouvante, qui hante encore la mémoire mondiale, qui risque d'être projeté sur la scène dévastée de la Libye. Pour cause, apprécions ces déclarations de guerre civile en Libye : «Les résolutions des Nations unies liées à la protection des civils n'excluent pas, dans certaines circonstances, l'armement des civils.» «La France est prête à discuter avec ses alliés d'une aide militaire aux rebelles.» «Je n'exclus pas l'éventualité d'armer les rebelles. Mais je ne dis pas non plus que cela va se faire.» Elles sont signées David Cameron, Alain Juppé et Barack Obama ! Il y a de quoi craindre le pire pour la Libye, et plus généralement pour toute la région de l'Afrique du Nord et bien sûr pour l'Algérie. Après la conférence de Londres, les alliés pour le meilleur, mais apparemment surtout pour le pire, en Libye, semblent avoir enterré la résolution 1973, en ne retenant qu'un alinéa autorisant «toutes les mesures nécessaires à la protection des civils peuvent être utilisées». Une petite brèche que les permanents du Conseil de sécurité ont insidieusement fourguée dans le texte de la résolution comme une bombe à retardement pour l'actionner quand bon leur semble. Du coup, tout devient, hélas, possible et avec la bénédiction d'un document onusien, sciemment vague, pour justifier tous les dérapages. Le fait est que cette fameuse et fumeuse résolution est sujette à diverses interprétations aussi contradictoires les un que les autres. Aux conclusions toutes faites des trois alliés, s'oppose en effet ce coup de sommation de Serguei Lavrov : «Aucun pays n'a le droit d'armer les rebelles.» La Russie qui n'a pas voulu bloquer l'adoption de la résolution sur l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne signifie clairement qu'elle n'est pas prête à cautionner une guerre civile en Libye pas plus que son dépeçage. Moscou rejoint petit à petit la voie et la voix de Vladimir Poutine qui a qualifié, peut-être à raison – toutes proportions connotatives gardées – l'intervention en Libye de «croisade». Il est certain que si les alliés décidaient d'armer les rebelles, le chaos s'installera durablement dans ce pays bédouinisé par un dictateur qui a oublié (?) de créer un Etat moderne en 42 ans de règne.