Le mouvement Hamas et son gouvernement à Ghaza ont visiblement été surpris. Ghaza De notre correspondant Les Palestiniens de la bande de Ghaza ont été choqués, à leur réveil, hier matin, lorsqu'ils ont appris la mort du pacifiste italien Vittorio Arrigoni, kidnappé dans la matinée de jeudi par des membres d'un groupe salafiste djihadiste. Les ravisseurs n'ont pas attendu l'expiration des 30 heures, ultimatum fixé au gouvernement Hamas pour la libération de leurs camarades détenus dans les prisons de la bande de Ghaza, à leur tête le chef du groupe Taouhid oua El Djihad. «Nous demandons au gouvernement de (Ismail) Haniyeh de relâcher tous nos prisonniers, à commencer par cheikh Hicham El Soueidan. Si vous ne répondez pas dans les trente heures à compter de 11h locale, (8h GMT jeudi), nous exécuterons le prisonnier», affirmaient les ravisseurs de Vittorio Arrigoni, dans une vidéo diffusée sur YouTube, où il est apparu, vivant, les yeux bandés et le visage tuméfié. Le mouvement Hamas et son gouvernement à Ghaza, responsables de la sécurité, ont visiblement été surpris par ce grave incident, le premier du genre depuis l'instauration de l'Autorité palestinienne en 1994. «Le gouvernement condamne ce crime atroce qui ne reflète pas nos valeurs, notre religion, nos coutumes et traditions, et affirme qu'il va traquer le reste des membres du groupe et les punira selon la loi», a déclaré Ihab El Ghoussein, porte-parole du ministère de l'Intérieur. Soucieux de tranquilliser les militants solidaires et de montrer qu'il contrôle toujours la situation dans l'enclave palestinienne, le gouvernement d'Ismail Haniyeh a tenté de minimiser cet incident. «Ce crime ne reflète pas la situation véritable et le climat de sécurité et d'ordre dans la bande de Ghaza et ne signifie pas un retour en arrière. Le gouvernement restera vigilant pour assurer la stabilité et la sécurité», a souligné Ihab El Ghoussein. Quelques heures après la découverte du cadavre du militant italien, de son côté, l'Autorité palestinienne, présidée par Mahmoud Abbas, qui gère la Cisjordanie, a dénoncé un «crime odieux». Les membres des services de sécurité du Hamas étaient arrivés trop tard à la cache où était détenu Vittorio Arrigoni. Rome condamne Lorsqu'il a été découvert dans une maison abandonnée au nord-ouest de la ville de Ghaza, Vittorio était mort étranglé depuis plus de trois heures. Selon Ihab El Ghoussein, les forces de sécurité ont réussi à identifier un membre du groupe qui a montré l'endroit où se trouvait le militant des droits de l'homme, assurant que leur intervention a eu lieu après l'exécution de l'Italien. Les forces de sécurité «ont trouvé le corps de l'otage tué depuis plusieurs heures d'une façon atroce, selon le rapport du médecin légiste. Les premières constatations indiquent l'intention des ravisseurs de tuer, étant donné qu'il a été assassiné peu de temps après l'enlèvement», a ajouté le porte-parole du ministère de l'Intérieur. A Rome, le ministère italien des Affaires étrangères a condamné ce qu'il a qualifié de «meurtre barbare» et de «geste ignoble et irrationnel de violence de la part d'extrémistes indifférents à la valeur d'une vie humaine». Agé de 36 ans, Vittorio Arrigoni était journaliste, écrivain et militant du mouvement pacifiste pro-palestinien International Solidarité Mouvement (ISM). Figure connue à Ghaza depuis l'été 2008, des photos le montrent agenouillé et embrassant le sol de la bande de Ghaza, après son arrivée par voie maritime, à bord de l'une des deux embarcations qui avaient réussi à briser, symboliquement au moins, pour la première fois, le blocus israélien. Il accompagnait les pêcheurs palestiniens, souvent victimes d'agression de la part de la marine de guerre israélienne. Militant pour une Palestine libre Il a participé à plusieurs manifestations au cours desquelles il y a eu des morts et des blessés pour protester contre l'installation par l'armée israélienne d'une sorte de no man's land tout le long de la frontière. Il a également refusé de quitter l'enclave palestinienne au moment de l'opération militaire israélienne sanglante Plomb durci de l'hiver 2008-2009. Le militant italien a même été blessé à une main par un éclat d'obus israélien au nord de la bande de Ghaza, mais a refusé de quitter le territoire malgré les injonctions des Israéliens. Son élimination de façon aussi brutale et inhumaine porte un coup à l'image du peuple palestinien, connu pour son hospitalité et son respect pour ses visiteurs quelle que soit leur origine. Tout le monde sait que l'Etat hébreu est fortement gêné par les campagnes de solidarité organisées par des militants des droits de l'homme, bien souvent occidentaux. L'armée israélienne a déjà éliminé certains d'entre eux. L'Américaine Rachel Corrie écrasée par un bulldozer militaire israélien à Rafah, en 2003, alors qu'elle tentait de l'empêcher de démolir des maisons palestiniennes, était membre du même mouvement pacifiste (ISM) de Vittorio Arrigoni. La même année, dans la même région, un autre membre du mouvement ISM, Thomas Hurndall, un militant britannique, a été tué d'une balle dans la tête, tirée par un soldat israélien. Le 31 mai 2010, neuf militants turcs des droits de l'homme ont été abattus de sang-froid par des soldats israéliens en haute mer, à bord du navire turc Mavi Marmara, alors qu'il s'apprêtait à regagner les côtes ghazaouies. Suite au démenti des groupes salafistes de la bande de Ghaza, de tout rapport avec ce crime, communiqué peu après la découverte du cadavre du pacifiste italien, peut-on y voir une main invisible agissant au profit de l'Etat hébreu ?