Personne ne s'attendait à cela : la Tunisie, qui prépare l'élection d'une Assemblée constituante en juillet prochain, vient d'opter pour la parité absolue hommes-femmes dans les listes de candidature d'un scrutin à la proportionnelle. Plus encore, le principe de l'alternance devrait permettre aux femmes d'être élues et non pas d'y figurer de manière formelle. Des principes qui semblent largement partagés par tous les acteurs politiques, y compris les islamistes tunisiens. Autre disposition importante, celle d'écarter la candidature de tous ceux qui ont soutenu et signé la pétition demandant à Ben Ali de se représenter. Sitôt émises et sitôt acceptées, ces dispositions démocratiques ont été qualifiées de «révolutionnaires» par les uns et d'«historiques» par les autres. Elles confortent surtout le sentiment chez l'ensemble des Tunisiens que le sacrifice du jeune Bouazizi et de toutes les autres victimes de la dictature de Ben Ali n'a pas été vain. En optant pour le principe de la parité et de l'alternance, la Tunisie est le premier pays arabe et musulman à rejoindre le clan des pays qui ont inscrit les principes d'égalité des droits dans la représentation des hommes et des femmes dans le socle des institutions élues. Rares sont, en effet, de par le monde, les nations à avoir dépassé la simple formulation égalitaire de manière formelle, exception faite sans doute des pays nordiques. Mais quelle belle leçon de démocratie et avec quelle audace ! Cinquante-quatre ans après la promulgation par Bourguiba du code du statut personnel, la Tunisie a accompli ce que d'autres nations ont mis parfois un siècle, après l'adoption du suffrage universel, à transcrire dans la réalité. Depuis 1956, avec l'abrogation de la polygamie, elle était déjà une exception dans le monde arabe et musulman. Aujourd'hui, sans doute, un exemple à suivre dans la voie ouverte contre les préjugés et les discriminations pour tous les démocrates et militants des droits de l'homme des autres pays de la région. Osera-t-on, chez nous, emboîter le pas à nos «frères» tunisiens, alors que certains poussent des cris d'horreur à la simple évocation d'une Constituante et que les femmes, quand elles figurent, sur des listes de scrutin, ne servent que de faire-valoir à un pouvoir autocratique si peu ou pas du tout représentatif ? Il est vrai que nous devons tout réapprendre, jusqu'au sens du scrutin honnête et transparent. Les Tunisiens, eux, n'entendent pas s'arrêter sur la voie ouverte par les révoltes de décembre 2010 : 18 actions en justice ont été enclenchées contre l'ancien dictateur Ben Ali et son entourage familial, dont celles d'homicide volontaire et de trafic et usage de drogue.