Le sujet paraît il trop « délicat » aux spécialistes ? La maladie du président Bouteflika va sans doute retentir d'un « certain coût relatif » sur l'économie nationale selon les scénarios de son évolution. Personne pour risquer une estimation ? La mode des estimations chiffrées a pourtant le vent en poupe. Le manque à gagner financier faute de week-end universel ? Le flux de l'argent « hors circuit bancaire » des émigrés rapporté en Algérie ? Il y a des chiffres pour tout. Ils valent rarement par la rigueur de leur mode de calcul. Ils servent surtout à frapper les consciences. Il se trouve même un spécialiste pour nous évaluer le coût par mois que subit la collectivité nationale à cause « des retards dans les privatisations des entreprises nationales ». Alors pourquoi pas une estimation chiffrée des préjudices que vont entraîner toutes les décisions économiques que l'on devra reporter à plus tard à cause de la maladie présidentielle ? Il faudrait déjà pour cela retenir les scénarios les plus réalistes. L'Algérie va entrer à nouveau en compétition électorale pour une présidence de la République vacante. Le plus probable, mais peut-être aussi le plus souhaitable de tous les points de vue - moral, humanitaire et politique - serait que cela se produise à la date prévue , c'est-à-dire à l'été - automne 2008 pour une échéance électorale au printemps 2009. Cela paraît tout de même assez lointain. Qu'en sera-t-il de la gouvernance économique du pays durant ce délai ? Si le président de la République récupère une partie essentielle de ses forces, elle devrait se poursuivre selon le schéma actuel : rien d'important en matière économique ne se décidera si la présidence n'a pas donné son feu vert. C'est ainsi que travaille le pays depuis maintenant plus de cinq ans. C'est-à-dire depuis que le centre de gravité de la décision est passé du côté du palais d'El Mouradia. Les résultats sont cinglants. Le gouvernement n'arrive pas à tenir son agenda : la réforme bancaire, le renforcement du cadre législatif de la concurrence, la gestion des participation de l'Etat, la relance de la bourse d'Alger, le soutien à l'investissement privé, le plan décennal du tourisme, le dossier du foncier agricole... Rien n'a vraiment abouti qui ne bénéficie de la pression zélée de l'Amérique comme pour la réforme du secteur des hydrocarbures en faveur des compagnies étrangères. Le constat est donc simple : la réforme économique avançait jusque-là au rythme -très lent- des arbitrages -très bureaucratiques- de la présidence de la République au temps d'un chef d'orchestre, le président, en possession de ses moyens physiques. Si la présidence de la République doit demeurer le carrefour congestionné de la décision dans tous les dossiers économiques au temps d'un Abdelaziz Bouteflika physiquement affaibli, alors il y aura vraiment lieu de bâiller chacun devant son calendrier. Aux premières années de Bouteflika, les partenaires étrangers de l'Algérie se plaignaient - avec quelques complaisances - de « manque de visibilité dans le système de décision algérien » lorsqu'ils devaient l'approcher pour envisager un engagement dans le pays . Un ministre comme Hamid Temmar a largement contribué à la confusion en démontrant mois après mois son impuissance à traduire dans les faits ses annonces tapageuses. Depuis deux ans personne ne parle de « manque de visibilité » : la présidence décide de tout . La maladie de Bouteflika nous ramènera-t-elle à la situation ante ? Peut-être pas, car entre temps les entreprises étrangères regardent bien plus le chèque de 55 milliards de dollars que la main qui le tient.