Inir est un jeune rebelle libyen. Il s'est réfugié en Tunisie, après la prise par les troupes d'El Gueddafi du contrôle de sa ville, Zouara. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il revient sur le combat que mènent ses proches pour renverser le régime d'El Gueddafi. - Comment vous êtes-vous retrouvé dans la rébellion ? Déjà, l'idée de se rebeller contre le régime germait dans l'esprit des gens. Lorsque les événements se sont précipités à Benghazi durant la journée du 15 février, les jeunes des quartiers de Zouara se demandaient si ce n'était pas l'occasion pour faire comme les Benghazis. Le 19 février, nous avons commencé par marcher dans la rue, le soir, nous avons pris le contrôle des sièges de la police judiciaire. Nous étions bien organisés. Tout le monde était content parce qu'il n'y pas eu d'effusion de sang. La ville qui compte 50 000 habitants n'a pas de caserne. Juste un commissariat et une brigade de police judiciaire. En quelques heures, elle était totalement entre les mains de la population. Nous avons récupéré 550 kalachnikov, dont 150 ne possédaient pas de percuteurs. Quelques jours après, un des jeunes, Wissam Azabi, a été tué par les militaires dans la région est de la ville. Ses amis ont pu récupérer son corps pour l'enterrer lui. Mais, moins d'une semaine après, toute la ville était assiégée par des chars. Les bombardements n'ont pas cessé durant 48 heures. - Par des moyens aéroportés ? Non, uniquement avec les chars et les lance-roquettes. L'armée est entrée dans la ville vers 5 heures du matin. Nous nous sommes accrochés avec eux durant des heures. Nous avons pu détruire deux chars. Les forces d'El Gueddafi ont perdu 60 hommes, parmi lesquels des noirs africains. Nous avons enregistré beaucoup de morts et des blessés que nous avons réussi à transférer en dehors de la ville. Les chars ont rasé une mosquée et de nombreux bâtiments. Zouara est devenue un véritable champ de bataille. - Et les autres villes avoisinantes, vous ont-elles pas soutenu ? Au début, nous pensions que les grandes villes de l'ouest comme Jmil, Regdaline, Zoltane étaient avec la révolte et de ce fait qu'elles allaient rallier les combats. Malheureusement, dès le contrôle de Zouara par les militaires, aucune n'a connu un quelconque incident. Plus grave, certains habitants de ces villes ont collaboré avec les forces d'El Gueddafi pour procéder à l'arrestation des révolutionnaires et de leurs proches. Ils ont même tenté de couper Zouara de Regdaline. Si El Gueddafi n'avait pas fait appel à une armée de volontaires pour le défendre, il n'aurait pas pu maîtriser la révolte chez nous. - Sont-ils nombreux ? Nous savions qu'il avait au moins 4000 volontaires, sans compter les miliciens ramenés du Tchad, du Mali, du Niger et du Burkina Faso. En plus des ces hommes armés, il a pris la décision de bloquer les comptes courants de tous ceux qu'il soupçonne d'appartenir à la rébellion ainsi que ceux de leurs proches. Sur le terrain, nos combattants leur ont occasionné beaucoup de pertes, mais nous ne pouvons pas faire face à une armée des chars et des lance-roquettes juste avec des kalachnikov. Nos blessés arrêtés ont été achevés, alors que nos familles ont été torturées et pour bon nombre des membres portés disparus. Nous sommes pour l'instant éparpillés dans les régions limitrophes et dans le Sahara en attendant que la situation s'améliore. - Qu'en est-il des tribus touareg libyennes ? Les familles ont quitté les villes et sont actuellement dans le Sahara. Elles ne se sont pas impliquées dans la situation. Elles restent loin des événements, mais elles n'ont pas soutenu El Gueddafi.