Le risque d'un enlisement se précise en Libye, favorisé par les limites fixées à l'intervention de l'OTAN, la désorganisation persistante des rebelles mal armés et la résistance du régime d'El Gueddafi. «Personne aujourd'hui ne peut dire combien de temps l'opération ‘Protecteur unifié' va durer», estime François Heisbourg, conseiller spécial auprès de la Fondation de la recherche stratégique à Paris. L'incapacité de la coalition internationale à mettre un terme au martyre de la ville de Misrata, encerclée depuis 43 jours par les forces pro-Gueddafi, n'en est qu'une illustration, note-t-il. L'autre signe tangible, selon lui, est que «les rebelles et les soldats d'El Gueddafi font des allers-retours entre les faubourgs de Syrte et ceux de Benghazi, les uns et les autres s'étant cinq fois ‘raccompagnés' jusqu'à leur point de départ». Et cela persistera, assure-t-il, tant que des rebelles sans armes lourdes et peu expérimentés en matière militaire feront face à une armée libyenne dont l'avantage en hommes et en matériels est en partie annulé par les opérations aériennes de l'Otan. Le commandant des forces américaines pour l'Afrique, le général Carter Ham, a qualifié de «faible» hier «la probabilité» que les rebelles libyens parviennent à lancer un assaut sur Tripoli pour renverser le colonel El Gueddafi. Quant à l'efficacité relative de l'Otan, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, elle-même, a reconnu qu'il était difficile pour «la puissance aérienne seule» de s'attaquer aux forces du colonel El Gueddafi, qui «s'insinuent dans les villes» et «placent des tireurs d'élite sur les toits». Dans ces conditions, «on assiste à une partition de fait du pays entre Cyrénaïque aux mains des rebelles à l'est et Tripolitaine contrôlée par El Gueddafi à l'ouest, de part et d'autre d'une ligne mobile dans le golfe de Syrte. Bref, c'est l'impasse», observe M. Heisbourg. La coalition «est entrée dans cette guerre sans idée claire de l'objectif, sans avoir défini les termes d'une fin éventuelle». Le résultat, selon lui, c'est que «l'issue dépend maintenant de l'entourage d'El Gueddafi». «Nous nous sommes mis dans la situation d'avoir à passer un compromis plus ou moins douteux avec la famille Gueddafi pour obtenir que le dictateur aille passer ailleurs une paisible retraite», ironise-t-il. Aide financière aux rebelles L'Europe et les Etats-Unis vont aider les rebelles libyens à court d'argent après avoir été convaincus de la bonne foi de leurs aspirations démocratiques, ont indiqué hier des sources impliquées dans des discussions avec eux, toutefois, aucune arme ne leur serait fournie, en application des résolutions de l'ONU. Par ailleurs, les Etats de l'Union européenne (UE) ont refusé hier d'accorder un statut exceptionnel de protection aux Libyens fuyant les combats dans leur pays, car «les conditions ne sont pas remplies», selon des sources diplomatiques. La demande de protection a été formulée par Malte et l'Italie au cours d'une réunion des ambassadeurs de l'UE lundi à Luxembourg. Or une majorité qualifiée est nécessaire pour activer cette procédure exceptionnelle, qui prévoit un partage d'accueil des réfugiés dans tous les pays membres, prévue depuis 2001, mais jamais utilisée.