Au chevet de l'éducation hier au Palais de la culture, Bouteflika était irrité par les lenteurs des réformes engagées ces dernières années. Resté toutefois au niveau des généralités, il s'est gardé de citer les auteurs du recul, d'indiquer leurs motivations et d'annoncer les mesures nécessaires à prendre. Du président de la République, il était pourtant attendu qu'il prenne le taureau par les cornes et s'attelle à désamorcer cette bombe à retardement qu'est le système éducatif sinistré : si la pression de la demande fait dangereusement fissurer les murs des écoles et des universités, l'absence de qualité en fait des coquilles vides, des fabriques de chômeurs à grande échelle. Le diagnostic du désastre, nul besoin d'en faire encore, tant il est connu. Bouteflika en a fait un devant l'opinion publique lors de l'installation de la commission nationale de réforme dont il avait confié la présidence à Benzaghou. Le 13 mai 2000 exactement, tout en n'épargnant pas l'école de ses critiques, avait demandé aux membres de cette commission de proposer « une alternative globale et ambitieuse ». Quatre années plus tard, rien n'a changé, alors que la commission a diagnostiqué les maux du système éducatif et préconisé un faisceau de solutions. Mais confrontés à l'offensive idéologique et politique du courant conservateur, les modernistes avaient mesuré le poids de ce dernier dans les sphère du pouvoir. Ils avaient compris que la tâche était loin d'être facile et que le changement était tributaire d'une réelle volonté politique de rupture : s'il est primordial de réunir les moyens financiers et humains, il est vital de désidéologiser l'enseignement, le débarrasser de sa chape de plomb conservatrice pour l'immerger dans la science. Mais comment Depuis fort longtemps, et pas seulement depuis 1999, par calcul politique ont été ménagés le choux et la chèvre. Certes, ces dernières années aux modernistes a été concédée l'introduction de quelques heures hebdomadaires de français en deuxième année du cycle primaire. Mais aux islamo-conservateurs a été garanti le maintien du statu quo sur toute la charpente du système éducatif. L'avenir de l'école a été sacrifié l'autel des alliances politiques. Mais en remettant le dossier sur le tapis et en invoquant la commission Benzaghou, Bouteflika vient-il de décider de renverser la tendance ? Fort du scrutin populaire du 8 avril, a-t-il jugé qu'il pouvait se passer de l'aide des conservateurs et des islamistes ? Son intervention d'hier peut le laisser supposer, mais elle a besoin d'être accompagnée d'un passage aux actes. Le sort des gamins et des jeunes Algériens ne peut plus être lié aux conjonctures politiques et aux incessants jeux de pouvoir des adultes.