Six heures et demi de vol d'Alger à Doha, à cause du détour pris suite à l'instauration de la zone d'exclusion en Libye. New Delhi (Inde) De notre envoyé spécial Ensuite, il faut trois autres heures de Doha à New Delhi. Dès que l'on sort du nouvel aéroport de New Delhi dont l'aérogare est tapissée de moquette, on respire un air aux senteurs réellement épicées. C'est le premier contact, tout naturel, pour un visiteur avec cette ville de plus de 24 millions d'habitants. Malgré les milliers des rikshaws (taxi motocyles), d'automobiles, de camions, de motos et de bus, les conducteurs communiquent avec le klaxon, certes souvent assourdissant. Ni gestes déplacés, ni insultes, ni rixes tout au long des différents axes routiers sous une chaleur, pourtant, de 31 degrés Celsius en ce mois d'avril. Sunil Kumar, conducteur de taxi, nous explique que «les Indiens ont tous intérêt à garder leur sang-froid, car la violence ne mène à rien et ne fait qu'aveugler l'esprit». D'ailleurs, on ne peut détacher le regard de ces motos où les femmes sont assises sur la banquette arrière, mais surtout des femmes qui conduisent une moto sans être ni gênées ni harcelées. Cela est d'autant plus incroyable lorsqu'on apprend que le nombre de femmes est très inférieur à celui des hommes. 7000 bus roulent au gaz naturel En avançant vers le centre-ville, on remarque le nombre important d'espaces verts bien entretenus et surtout très respectés par les citoyens. Personne n'ose piétiner même pas une poussée d'herbe sauvage ni arracher les fleurs. A 500 mètres de Delhi Gate — grand carrefour où des milliers de conducteurs de tous types de véhicules se croisent — on peut apercevoir, notamment les après-midi, une scène qu'on voit souvent en Europe et aux Etats-Unis. Sur un vaste espace vert, des individus seuls ou des couples, mais surtout des familles se relaxent avec leurs enfants sur du gazon. L'environnement est parmi les grandes priorités en Inde, classé 7e au monde pour sa superficie et, où, d'après une décision du gouvernement, 4% de la surface du pays doit être protégée. Jairam Ramesh, ministre de l'Environnement et des Forêts nous racontera que des citoyens souffrant de maladies respiratoires dues aux émanations de bus et autres véhicules dans la ville de Delhi ont harcelé les autorités en adressant des requêtes et ont eu gain de cause. Grand soin des billets de banque La Cour suprême avait, en effet, ordonné en avril 2002, au gouvernement de faire fonctionner au Compressed natural gaz (CNG) — l'équivalent du gaz naturel liquéfié (GNL) de chez nous — les parcs roulants de l'entreprise publique Delhi Transport Corporation au nombre actuel de 7000 bus, nous indique le ministre. Dans les 22 villes les plus peuplées d'Inde, précise-t-il, il n'y a pas eu de décision de justice similaire, mais les autorités locales ont pris des mesures visant à atténuer la pollution. Il faut savoir que pour cause de pollution trop élevée à New Delhi, deux citoyens sur cinq souffrent de maladies respiratoires et même de troubles génétiques, selon une étude de Chittaranjan National Cancer Institute (un institut privé). Sur un ton très modeste, Debajit Palit, responsable au TERI (The Energy and Ressources Institute), nous explique comment, depuis la création de cet établissement en 1974, plus de 900 employés travaillent pour trouver des solutions dans le domaine de l'environnement, de l'énergie et des modes sociaux de développement pour les populations locales. Le visiteur à New Delhi peut relever que les sachets en plastic sont rares à trouver dans la nature et dans les commerces, mais ce sont plutôt le papier et les sacs en papier qui sont servis aux clients. Mais ce qui est le plus remarquable est que les gens possèdent un portefeuille qui sert, certes, pour la pièce d'identité et autres documents, mais surtout pour préserver les billets de banque (100 euros pour 6000 roupies). Raushan, un vendeur d'objets de souvenir près du Fort rouge au centre de New Delhi, nous lance avec ironie que «difficile à obtenir, l'argent est le seul moyen qui permet de vivre, donc, il faut bien le conserver». Riche ou pauvre, chacun est occupé à vivre son quotidien sans lorgner la vie des autres. En Inde, soit on travaille, soit on mendie et les mendiants inspirent vraiment de la pitié. Peu de vols et d'agressions Il y a peu de cas de vol ou d'agression, et les étrangers circulent avec aisance et quiétude dans le pays, d'après le témoignage de plusieurs étrangers établis à New Delhi. En se déplaçant vers la ville d'Agra, à 200 km au sud-est de New Delhi, là où est érigé le Taj Mahal, première merveille du monde, l'on peut voir le nombre impressionnant de touristes qui se dirigent vers ce lieu historique en toute sécurité. Ramesh Deewan, guide touristique, nous affirme que «20 000 visiteurs par jour viennent au Taj Mahal et ne sont jamais inquiétés». D'ailleurs, un peu partout, des temples sont visibles pour des populations qui pratiquent plusieurs religions. A Menaan Mosque, au centre-ville de New Delhi, les fidèles se rendent dans une totale tolérance envers leurs concitoyens. Les musulmans sont environ 150 millions (13% de la population) faisant de l'Inde le troisième pays musulman au monde après l'Indonésie et le Pakistan. «Les vérités, différentes en apparence, sont comme d'innombrables feuilles qui paraissent différentes et qui sont sur le même arbre», écrivait le Mahatma Gandhi (dans Lettres à l'Ashram). Une citation qui résume comment les citoyens se conduisent dans leur vie quotidienne envers l'homme, l'animal et la nature. Ayant séjourné cinq années aux Etats-Unis et cinq autres au Japon, Sanjay Ticku, general manager de National Institute of IT (NIIT) -rappelant curieusement le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux Etats-Unis-, nous confie que «les intellectuels et les managers d'entreprises focalisent leurs actions pour faire accéder les citoyens les plus défavorisés à l'instruction, et surtout à la maîtrise des nouvelles technologies». Une visite au Housing Development Finance Corporation (HDFC), qui fait dans le crédit immobilier, montre les efforts accomplis pour inciter les citoyens au logement, notamment pour la population rurale estimée à 72%. Selon Anjalee Tarapore, manager des services de gestion et relations avec les investisseurs au HDFC, «60% des citoyens sont des jeunes de moins de 30 ans et on veut changer la mentalité qui fait que de nombreux citoyens préfèrent habiter une baraque de fortune qu'un logement moderne». Cette image de l'Inde avec ses pauvres et ses bidonvilles a été longtemps véhiculée par les médias occidentaux. Aujourd'hui, l'Inde offre l'image d'un pays qui intègre tous les paradoxes et avance sereinement pour le bien-être de ses différentes populations. D'ailleurs, il est indécent au pays de Ghandi de montrer les signes extérieurs de richesse (SER). Avec plus d'un millier de journaux et 70 chaînes TV, les citoyens assument leurs différences sans aucun complexe.