L'absence d'une politique nationale de santé mentale, signalée avec insistance par les conférenciers, a induit une fréquence des maladies mentales, ayant atteint des seuils de gravité intolérables. Le 2e congrès international des thérapies cognitivo-comportementales (TTC), organisé par l'association des psychiatres de la wilaya de Constantine (APSYCO), et dont les travaux ont débuté jeudi dernier au Centre national de formation des personnels pour handicapés (CNFPH), a été marqué par la participation d'éminents spécialistes algériens, français et luxembourgeois, ainsi que par la présence du professeur F. Kacha qui a encadré cette importante manifestation scientifique. La présence également d'un nombre appréciable de psychiatres, de psychologues et d'étudiants venus des différentes wilayas de l'Est est significative de l'intérêt grandissant porté à cette discipline thérapeutique, considérée comme principe fondamental du corpus de la psychologie dite positive, créée à la fin des années 1990 aux USA. Les thématiques abordées lors de cette rencontre de haut niveau, concernent le stress post-traumatique et le harcèlement moral en milieu professionnel. Le choix de ces deux thèmes n'est en aucune manière fortuit, il a été préconisé par l'APSYCO à partir du constat fait en Algérie, où le recours aux psychotropes est devenu presque exclusif, ceci au moment où la psychothérapie, la réadaptation et la prise en charge psychosociale ne se sont pas développées. L'absence d'une politique nationale de santé mentale, signalée avec insistance par les conférenciers, fait que la fréquence des maladies mentales a atteint en Algérie des seuils de gravité intolérables. Par ailleurs et en matière de perspectives de prise en charge des victimes face aux aléas sismiques et en temps de catastrophes naturelles, les spécialistes restent sceptiques et signalent au passage l'inefficacité du plan Orsec. La clinique du terrain L'expérience algérienne en matière de traitement des post-traumatismes a été décortiquée par le Dr K.-L. Ammar, de l'EHS Mahfoud Boucebci de Cheraga, qui s'est attardé sur les apports multiples des TCC lors des catastrophes de ces dernières années, mais aussi au moment des pires exactions et violences commises par les sicaires de la nébuleuse islamiste durant la décennie noire. Le travail thérapeutique a été accompli sur le terrain auprès des victimes civiles et militaires, notamment ces femmes violées, abandonnées, et qui du statut de victimes silencieuses sont passées à celui de coupables suite à une rupture des liens sociaux et familiaux. La nature même de ce travail fait que les principes thérapeutiques appliqués dans pareils cas conduisent cette discipline (TCC) à miser dans sa finalité sur les possibles, ne s'identifiant jamais aux impasses qui mènent aux plus sévères détresses humaines. Et face à cette incommensurable souffrance, les psychiatres et psychologues, contraints dans les années 1990 à assumer la complexité du travail, ont opté pour la pratique en réseau qui leur a fait entrevoir une nouvelle manière de percevoir le monde, où l'objet de leur recherche est appréhendé à la fois dans sa structure, sa fonction, son évolution, ce vers quoi il tend, et son contexte. Au chapitre du deuxième volet abordé durant ce congrès, les comportements compulsifs découlant de la dépendance aux substances nocives (stress et addiction), et l'évaluation des facteurs de risque (stress post-traumatique), ont permis aux intervenants de situer les fondements des TCC, l'anxiété sociale, les troubles obsessionnels compulsifs, la phobie sociale et les techniques d'affirmation de soi. Harcèlement moral en milieu professionnel La deuxième partie de cette rencontre a été réservée à l'exposé de la problématique du harcèlement moral en milieu professionnel à travers trois communications données par des médecins de l'EHS Psychiatrie Dr M. Belamri de Constantine. Les types de manifestation du harcèlement allant de la stigmatisation de l'autre, sa maltraitance, son isolement ou son humiliation par divers procédés aussi perfides les uns que les autres, se termine par la destruction systématique de la personne. Sur le plan juridique, les conférenciers ont souligné avec tact et mesure la grande misère de la législation algérienne qui ne soulève le cas du harcèlement que dans un seul et unique article pour le code pénal, celui 314, sur le harcèlement sexuel en milieu professionnel, et les articles 90 et 11 du code du travail sur la préservation de l'intégrité physique et mentale des personnes. En outre, un exposé a été consacré à cette question à travers lequel des recommandations à adopter ont été données en matière de politique de prévention du harcèlement en milieu professionnel. Durant l'après-midi deux ateliers ont été constitués portant sur l'exposition et la gestion du stress post-traumatique, encadrés par les Docteurs J. Cottraux et C. Cungi de Lyon. Pour la clôture, le Pr. G. Darcourt de Nice a donné une conférence sur la stigmatisation de la maladie mentale, sujet qui a trouvé un réel intéressement des étudiants et des psychologues, lesquels étaient nombreux.