La plus mortifiante leçon en matière de cohabitation de l'art et de la religion vient d'être apportée à ceux qui ont poussé des cris d'orfraie, scandalisés qu'ils se disaient de la programmation du raï au titre des manifestations artistiques de «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Elle est venue avec la première semaine culturelle en provenance d'un pays musulman : l'Irak. D'aucuns du public de la salle de la maison de la culture de Témouchent ont fait cette réflexion au terme du spectacle présenté par la troupe nationale des arts populaires de Basra. Al Basra, la Venise du Chatt El Arab, l'estuaire commun du Tigre et de l' Euphrate, située à une cinquantaine de kilomètres en amont du golfe persique. Al Basra, la deuxième ville importante après Baghdad, dont elle est distante de 550 km au sud. Bassorah dont le port était le point de départ et de chute de Sindbad vers ses palpitantes aventures. La gifle est d'autant plus remarquable qu'elle vient d'une région majoritairement chiite, où il se raconte que les musulmans de la minorité sunnite, pour y demeurer après la chute de Saddam, ont dû se convertir au shiisme. Et lorsqu'il se dit que cette région est sous obédience iranienne, on s'attendait à un spectacle imprégné de rigorisme. C'est bien le contraire de tout cela dont le public a eu droit. Il n'y a eu ni medh ni le moindre prêchi-prêcha, car il s'agissait d'art et de culture en terre d'Islam et non pas d'art et de culture islamiques, une spécieuse notion au demeurant. Bonne intelligence En effet, elles n'existent pas intrinsèquement. Pour le comprendre, il faut oublier l'exemple algérien où des religions se sont succédé, l'une gommant la présence de l'autre. Il faudrait plutôt avoir à l'esprit les pays du Moyen-Orient, comme l'Irak, où ces religions continuent de se côtoyer même conflictuellement. Ces croyances pour certaines remontent bien au-delà de l'apparition de l'Islam ou du christianisme. Or, il est évident que si ces religions pratiquent des rites cultuels différents, elles partagent les mêmes valeurs. De ce fait, si l'on y parle de culture islamique, c'est ce qui a été promu du temps du règne des dynasties de religion musulmane, une civilisation relevant plutôt du génie d'un peuple sous un règne éclairé. Ainsi, c'est plutôt la beauté, l'élégance et le raffinement qui étaient à l'honneur lors de la prestation irakienne à Aïn Témouchent. L'orchestre enchaîna mouachate et chants envoûtants sur lesquels de brefs solos de tambourin incrustaient de trépidantes arabesques. Et clou du spectacle, une danseuse se livra sur des airs entraînants à de gracieuses contorsions et circonvolutions. Son entrée jeta un court moment de gène chez un public sevré de ce type d'apparition. Il finit par l'adopter et l'applaudir. Puis, ce fut au tour de «Dar el azia», une institution, créée en 1970, pour mettre à l'honneur l'habit irakien depuis la période sumérienne à aujourd'hui. Ce fut un festival de couleurs et de formes qu'un carrousel de ravissants mannequins déploya en pas de danse au rythme de sonorités musicales d'un subtil Orient.