Une petite merveille. Le nouveau vin du Témouchentois, produit dans le cadre d'une opération pilote algéro-espagnole, a tout pour plaire. Reste à savoir si les opérateurs privés adopteront la technique utilisée… Fruité au goût comme à l'odorat, bien charpenté, à 12% de volume… Voici Albulae. Ce vin rouge conclut l'un des projets de la coopération algéro-espagnole en matière de viticulture dans le Témouchentois, une coopération qui dure depuis cinq années (voir El Watan Week-end du 12 mars 2010). En version rosé, Albulae, du nom romain de la ville de Témouchent, est bien moins corsé à la dégustation. Il possède cependant cette typicité qui fait la réputation des bons vins d'Algérie. L'étape suivante sur les deux produits, comme cela l'a été avec leur élaboration, consiste également à transmettre le savoir espagnol en matière de marketing et de commercialisation à travers leur promotion et leur mise sur le marché. Cette coopération en cours associe quatre acteurs : la coopérative de wilaya des viticulteurs (Viticoop) côté algérien et trois intervenants côté ibérique : l'AECID, un organisme officiel de coopération, Tierras Sorianas del Cid, une association viticole, et l'université Complutense de Madrid engagée dans la recherche-action. Brahim Safi, le gérant de la Viticoop, indique que l'expérience a cette fois porté sur une production à petite échelle, soit 24 hectolitres en rouge et 15 en rosé. «Cette opération a été engagée depuis le vignoble jusqu'à la mise en bouteille, la récolte devant se faire au stade optimal de la maturité. Le viticulteur chez lequel le raisin a été acquis avait été impliqué, moyennant intéressement comme cela se fait en Espagne, pour livrer un raisin dans un parfait état sanitaire.» Kada Adjala, responsable du projet côté algérien, précise que l'objectif était de démontrer que l'on pouvait produire un cru de qualité avec les moyens existants, c'est-à-dire des caves à la limite de l'obsolescence, et avec les contraintes que subissent surtout les transformateurs privés du fait d'un choix très réduit en matière de variétés de cépages. A cet égard, il n'est pas sans intérêt de noter que, sans disqualifier la démarche de l'Office national de commercialisation des vins, le plus gros transformateur, celle mise en œuvre par les Espagnols a pris l'exact contrepied. Débordés En effet, l'office a considérablement investi dans la rénovation et la modernisation de l'outil de transformation ainsi que dans la plantation de cépages améliorateurs qui font défaut à la vitiviniculture algérienne, l'objectif de l'ONCV étant de replacer le vin algérien dans l'export avec du haut de gamme. L'expérience menée par les Espagnols aura eu le mérite, moyennant de menus aménagements des installations existantes, de prouver qu'il est possible d'élaborer un vin à l'opposé des piquettes dénoncées dans ces mêmes colonnes (voir El Watan Week-end du 6 août 2010). Reste à savoir si la démarche va être adoptée par les opérateurs privés. L'un d'eux, exprimant un avis général, reconnaît qu'il y a matière à réflexion au regard de la mévente que connaissent leurs vins. «Nous subissons même des retours de marchandises pour ce qui concerne les productions de 2008 et 2009, ce qui nous oblige à les rattraper par des coupages avec celle de 2010, nettement meilleure.» Il reste, selon notre interlocuteur, que l'expérience n'est pas transposable dans l'immédiat. Pourquoi ? «Pour la simple raison que pour réaliser une macération lente comme l'ont fait les Espagnols, cela suppose que l'on ne soit pas obligé de décuver après seulement une semaine de fermentation comme on le fait même chez l'ONCV. Or, dans nos contrats de location des caves de la Viticoop, nous nous engageons à prendre en charge toute la récolte des viticulteurs. Et comme il faut préserver la paix sociale - les autorités y veillent - et que les récoltes arrivent toutes dans les caves en masse au même moment, nous sommes débordés. Néanmoins, si la réduction du vignoble se poursuit au rythme où cela se produit actuellement, nous pourrons à terme privilégier la qualité sur la quantité.»