Les derniers coups de colère du ministre de la Jeunesse et des Sports, relayés ici et là par la vox populi, militent en faveur d'une refondation de la pratique sportive dans notre pays. Nul ne pourra nier le rôle important que jouera l'institution scolaire (et universitaire) dans la promotion et la dynamisation du mouvement national sportif. Les bons résultats de l'Algérie sportive des années 1970 et début 1980 ont coïncidé - est-ce un hasard ? - avec la bonne santé du sport scolaire. C'était le temps de la FASSU, des lundis sportifs programmés dans les emplois du temps des élèves et encadrés par des enseignants d'EPS motivés à souhait. Et à l'époque, l'argent ne coulait pas à flots ! Depuis deux décennies, le sport scolaire se meurt dans l'indifférence la plus totale. Tous les dispositifs réglementaires (lois, arrêtés, circulaires... ) visant à promouvoir - en théorie - l'éducation physique et sportive sont restés sans écho. Aux sources du mal, il n'y a pas que la mauvaise volonté. Les mentalités réfractaires au progrès social minent le terrain. N'a-t-on pas vu des chefs d'établissement accéder avec zèle au refus de certains parents d'autoriser leurs filles à suivre les cours d'EPS ? Les dispenses de complaisance, l'absence d'infrastructures et de matériel sportifs, le déficit en encadrement - même s'il est formé annuellement par des instituts spécialisés - sont autant d'éléments qui viennent aggraver la situation d'une discipline déjà malmenée. Le statut de l'EPS est dévalorisé au sein de l'institution scolaire, elle est inexistante dans les universités. L'Algérie a emboîté le pas à la France des années jacobines en matière de pratique de l'EPS. L'horaire n'a pas bougé depuis l'école coloniale, de même que le coefficient (deux heures par semaine et une unité pour le coefficient). Cette discipline est « démonétisée » aux yeux des élèves. Ils n'ont pas le temps de savourer les plaisirs qu'elle peut leur procurer entre la sortie du semblant de vestiaires et le quart d'heure pour se rhabiller. Ils ne sont pas motivés par les maigres dividendes qui tombent dans l'escarcelle de la moyenne d'admission. Notre élève calcule en fonction d'une stratégie d'épicier. Peut-on lui en vouloir quand on sait qu'elle (sa stratégie) répond aux normes scolaires telles que dictées officiellement ? Seules les disciplines essentielles - celles qui pèsent lourd dans la moyenne annuelle - sont dignes d'intérêt. Les autres, et pas seulement l'EPS - on pourra citer l'éducation artistique -, sont habillées du qualificatif humiliant : elles sont labellisées « matières secondaires ». Avec une telle logique, la réintroduction du brevet et du bac sportifs relève du pur formalisme. Le ridicule ne tue pas quand on entend les professions de foi des officiels tout en déboursant de l'argent sans compter au profit des clubs de football. Les bourgeons de champions sont anémiés : ils ne fleuriront pas, faute d'une action volontariste des plus hautes autorités. Comment ne pas évoquer l'absence de sport au cycle primaire, à un âge où la croissance et le développement de l'enfant en ont le plus besoin ? Pour les spécialistes, l'éducation de la motricité dans sa forme ludique constitue l'essentiel de la pédagogie du préscolaire. Elle prépare l'enfant à entrer sans difficulté dans le monde complexe de l'initiation à l'écriture et à la lecture. Au primaire, toujours dans une ambiance de détente, les exercices de sport viennent approfondir et conforter les aptitudes développées au préscolaire, d'autres seront visées par une pédagogie spécifique. A cet âge, les organes sont en pleine croissance. Une croissance qui a besoin d'être accompagnée afin qu'elle puisse atteindre sa plénitude. L'EPS vise à stimuler et à nourrir l'équilibre des fonctions organiques, telles que la respiration, la circulation sanguine et les articulations. Un enfant privé d'éducation physique et sportive - à ne pas confondre avec les jeux en mouvement et les courses anarchiques sous les préaux - avant l'âge de 11-12 ans traînera des handicaps qui ne manqueront pas d'influer sur son rendement intellectuel. Un professeur de sport, athlète de haut niveau, a affirmé que les enfants d'Algérie - surtout les citadins - souffrent d'un déficit en motricité. Il n'y a qu'à voir les silhouettes de nos athlètes et joueurs de sports collectifs comparés à leurs homologues étrangers. L'EPS en milieu scolaire - dès le primaire - nécessite une mobilisation des moyens de l'Etat. Il s'agit là d'une question de santé publique de première urgence. « Un esprit sain dans un corps sain », voici une belle devise à inscrire sur les frontons de toutes les écoles d'Algérie. C'est de la sorte que reculeront les maladies, progresseront les performances de nos athlètes et s'épanouiront les valeurs morales véhiculées par l'olympisme.