Pour Al Qaîda au Maghreb, la mort de Ben Laden n'a rien changé. La récente opération des forces spéciales américaines au Pakistan a permis de neutraliser le chef de file de l'internationale terroriste, mais les organisations islamistes armées n'ont rien perdu de leur motivation criminelle à travers de nombreux pays. En Algérie, le groupe de Droukdel, un autre vétéran du djihad – qu'on peut imaginer aujourd'hui installé dans une banlieue du centre du pays plutôt que dans une casemate de Sidi Ali Bounab – continue son œuvre de destruction et d'assassinats. Dans la tourmente que vit le pays depuis de très nombreuses années, ce sont les éléments de l'Armée nationale populaire qui paient un lourd tribut, et ce, dans une indifférence quasi générale. Des dizaines de soldats ont été tués ces dernières semaines, souvent dans des cantonnements militaires isolés et parfois exposés. La vigilance des forces antiterroristes est prise en défaut face aux hordes de fanatiques restructurés et lourdement armés. Les stratégies de déploiement des forces de sécurité et de lutte antiterroriste sont forcément à repenser pour arrêter cette véritable hémorragie. Les groupes islamistes sont loin d'être dans la défensive et chacune de leurs sorties meurtrières sonne comme un défi aux autorités politiques et militaires. En attendant que l'Algérie réapprenne la lutte antiterroriste, l'urgence, aujourd'hui, est de briser le mur du silence qui entoure cette grave recrudescence des attentats. L'on n'assiste guère à des mouvements de mobilisation et de rejet du terrorisme, comme ce fut le cas au lendemain de l'attentat à Marrakech. Il n'y a ni condamnations ni hommage officiel aux nombreuses victimes. La vie nationale reste rythmée par les guerres de succession à la tête des partis et même de l'Etat. La guerre livrée par le GSPC ponctue tragiquement les accès de fièvre politique dans le pays. La population broie du noir dans cette longue nuit terroriste, tandis que les représentants de ce même peuple sont aux abonnés absents. C'est internet, véhiculant de nouvelles libertés, qui inquiète l'Assemblée nationale, où une journée parlementaire a été organisée récemment pour débattre des «enjeux et impacts» des réseaux sociaux, loin, bien entendu, de la cybercriminalité. Les représentants de l'Etat, quant à eux, font à chacune de leurs déclarations une fixation sur les risques sécuritaires induits par la situation en Libye, plus pour prévenir contre les révoltes populaires que contre la menace terroriste. C'est la démission du pouvoir politique et la démobilisation de la société civile qui sont le véritable carburant du terrorisme islamiste.