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Organiser l'entreprise algérienne : quelques repères
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Publié dans El Watan le 16 - 05 - 2011

Cette réflexion succincte a pour objet de contribuer aux efforts analytiques en vue d'introduire des améliorations managériales au sein de tous les compartiments de nos entreprises publiques et privées. Nous allons commencer par les aspects organisationnels.
Mais on ne rétrécie pas pour autant le sujet. Il y a des centaines d'ouvrages qui traitent de la question. De surcroît, nous disposons de milliers d'expériences d'entreprises étrangères et nationales dans ce domaine. J'ai eu à diriger plusieurs thèses de doctorat d'Etat sur ce thème. Comment tirer profit de cette vaste littérature et de ces pratiques multiples et les traduire en quelques principes susceptibles d'éclairer nos managers ? Face à la complexité du thème, nous ne pouvons qu'essayer, en espérant avoir choisi les bonnes variables. Il est inutile d'insister sur le fait que nous ne pouvons décrire tous les aspects liés à la question. Il faut seulement espérer que nous avons fait les bons choix en matière de paramètres à considérer. La critique selon laquelle nous avons omis telle ou telle dimension est tout à fait valide. Mais on ne peut faire autrement.
Quelques spécificités algériennes
Il y a beaucoup de similitudes entre les caractéristiques de nos entreprises et celles du reste du monde. Plus de 90% sont des TPE (Très petites entreprises), 7 à 8% sont de dimension moyenne ayant un potentiel de croissance important et 2 à 3% sont de grandes entreprises. Pour les petites entreprises, la question qui se pose tout naturellement est la suivante : à quel moment devrait-on mettre un dispositif organisationnel rigoureux ? La situation se trouve compliquée par le fait que beaucoup d'entreprises sont à caractère familial. Selon une étude de terrain effectuée à l'école supérieure de commerce d'Alger, plus de 65% des entreprises algériennes sont familiales. Ce qui peut être un avantage ou un inconvénient, selon la situation. Nous avons de nombreuses entreprises familiales internationales qui ont été de très grandes réussites (Michelin, Wal-Mart).
Dans le contexte des pays en voie de développement, l'entreprise familiale fonctionne bien et mieux lorsqu'une des deux conditions suivantes ou les deux sont réunies :
1. Il y a un leader incontesté qui fait l'unanimité : père, grand frère, etc. La situation est d'autant plus favorable que le dirigeant privilégie la concertation et la décision en groupe.
2. Le management est professionnalisé : on instaure les processus et les mécanismes qui font qu'on responsabilise, on travaille par objectifs, on profite de l'intelligence de tous, etc.
Les TPE ont intérêt à commencer très tôt à s'approprier les saines pratiques managériales. Cela deviendrait une culture, une manière d'exister et de s'affirmer. Il est dangereux de différer pour plus tard les bonnes pratiques. D'ailleurs, les statistiques montrent que plus de 50% des entreprises créées meurent au début de la première année. La cause essentielle résiderait dans un marché mal évalué. Parmi les entreprises qui vont réussir, plus de 40% vont péricliter entre la quatrième et la cinquième année.
Cette fois, la cause n'est pas liée au marketing, mais le plus souvent au refus de professionnalisation du management. En conséquence, la très petite entreprise qui atteint 9 à 10 personnes a intérêt à commencer à mettre en place des dispositions organisationnelles.
Qui doit organiser l'entreprise ? Nous avons trois formules possibles. Si cette dernière dispose de personnes compétentes dans ce domaine, il est possible de leur confier cette tâche. On peut également faire appel à un bureau d'études spécialisé mais en s'informant auprès de ses clients passés, qui ont commandé le même dispositif, sur l'efficacité de son intervention. Mais la formule qui nous semble la plus intéressante est celle du «coaching». Selon ce schéma, quelques éléments internes, qui ont les bases nécessaires, sont qualifiés par un spécialiste «coach» pour faire eux- mêmes le travail. Leurs diagnostics et leur schéma organisationnel sont «corrigés» par le coach avant de les soumettre à l'approbation. Dans tous les cas de figure, il ne faut jamais oublier de faire discuter le projet par tous les membres de l'entreprise. Le secret le plus important des entreprises de classe mondiale demeure leur capacité d'utiliser les cerveaux de toutes les ressources humaines qui les composent.
Quelques orientations utiles
Le travail d'organisation consiste en une traduction technique de la philosophie managériale de l'entreprise. On commence d'abord par fixer les grandes orientations de politique générale : par exemple, la participation, la décentralisation, l'encouragement des travaux d'équipes transversales, la flexibilité organisationnelle, l'horizontalité des structures, l'orientation des projets, etc. Les organisateurs peuvent proposer, mais non substituer, leur vision aux grandes orientations des managers responsables. Par la suite, l'équipe va traduire ces orientations en informations contenues dans les outils d'organisation classiques qui sont :
1. L'organigramme
2. Les fiches de poste
3. Les fiches de structures
4. Le manuel des procédures de gestion.
Il y a un débat que beaucoup de nos spécialistes ou ceux qui s'initient aux pratiques organisationnelles connaissent. Il est surtout pertinent aux pays développés. Faut-il détailler les tâches, les obligations, les procédures ou faut-il être flexible et œuvrer en pratique en fonction de la situation et ne pas s'encombrer de détails ? Cette discussion est féconde dans les pays développés. Après plusieurs années de fonctionnement selon des processus rigoureux, des réflexes et des cultures se sont créé pour permettre une grande flexibilité organisationnelle. Les entreprises des pays sous-développés ont, pour la plupart, besoin de passer par des étapes de rigueur et de minimisation de l'oralité (qui est utile dans certains cas). Lorsque tout va bien, on a peu besoin de procédures, de description des tâches ou d'identification des responsabilités.
Mais à la moindre turbulence, nous sentons la nécessité de clarifier les processus et les responsabilités. Ce qui fait qu'on doit introduire le maximum de précisions, quitte à en faire peu usage. «Write it and Forget it», disent les Anglo-Saxons. Il est utile d'aller vers plus de clarté. Les objectifs de tout processus d'organisation étant d'introduire plus de transparence et de responsabilité. Il est important de réduire progressivement l'opacité des obligations, des rôles de chacun ; tout particulièrement dans les entreprises des pays sous-développés qui souffrent de ces lacunes. La réorganisation est une opportunité de créer le maximum de centres de profit (responsabilité) interne. Un centre de profit est une structure interne responsabilisée sur sa contribution au résultat global de l'entreprise.
Le système d'information interne est alors organisé pour créer des facturations internes (même fictives) pour mesurer la performance de chaque entité. Ceci n'entrave en rien l'esprit d'équipe, le fonctionnement par projets et la mobilisation de l'intelligence de tous. Mais on travaille mieux ensemble lorsque chacun est responsabilisé sur des parcelles d'activité et de résultats.
Les entreprises de taille moyenne gagneraient le plus souvent à commencer à se gérer en groupe ; tout en centralisant les activités qui leur confèrent de la synergie. Les avantages sont de loin supérieurs aux quelques surcoûts engendrés. On peut retenir les meilleures valeurs humaines dont on dispose au lieu de les perdre au profit de la concurrence ; ou qu'ils deviennent eux-mêmes nos compétiteurs directs, par le biais de la création d'entreprises.
Quelques principes à observer
L'entreprise baigne dans un milieu culturel et environnemental particulier. Toute décision managériale efficace doit se faire en fonction des caractéristiques ambiantes. Dans les pays développés, les entreprises se réorganisent fréquemment pour réduire le nombre de niveaux hiérarchiques, faire côtoyer les activités pérennes avec une multitude de projets, développer les travaux d'équipes et créer des marchés internes qui facilitent l'employabilité et l'évaluation des performances. Avec quelques retouches, nous pouvons arriver à ces pratiques. Il ne faut surtout pas les copier tout de suite et aveuglément. Nous avons besoin de passer par une étape de clarification, de responsabilisation, d'introduction des mécanismes de transparence et de rationalisation. La bonne nouvelle est que le processus de rattrapage peut être rapide. Nous n'avons pas besoin de reproduire exactement leur parcours. Nous pouvons, avec beaucoup de bonne volonté et de mobilisation des ressources suffisantes, accomplir en une décennie ce que ces entreprises ont capitalisé les trente dernières années. Mais il ne faut point perdre du temps. Nul ne peut nous garantir de quoi sera fait l'environnement concurrentiel de demain. Seul le niveau d'efficacité managériale atteint peut soutenir la compétitivité et les performances indispensables à la survie dans l'environnement de demain.


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