La Tunisienne Zohra Lajnef a quelque chose d'aurassien. Sa voix rappelle celles de Teldja, Zoulikha et Houria Aïchi. Cela s'explique. «Notre sang, nos larmes se sont mélangés. Nous avons chanté ensemble en évoquant nos malheurs et nos bonheurs. Bien avant que la géographie les sépare, les peuples algérien et tunisien avaient chanté ensemble», a lancé, mercredi soir, au palais de la culture de Imama, la chanteuse pour la clôture de la semaine tunisienne organisée à la faveur de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Accompagnée par de jeunes musiciens, dont Seïf Eddine Mayouf au saxophone et au nay, Issam Ahmed à l'orgue, Ahmed Belahssan à la guitare, Omar Adala à la batterie et Rochdi Debech aux percussions, elle a interprété des chants du patrimoine bédoui tunisien. «Je chante ce que j'ai appris de ma mère», a-t-elle avoué devant un nombreux public. Elle a expliqué avec aisance le sens de sa démarche artistique. «Je chante pour ceux qui avaient interprété des chansons sans être écoutés par personne, sans que l'histoire retienne leurs noms. Je chante pour les femmes qui effectuent des travaux durs, celles qui arrachent la halfa», a-t-elle déclaré sous les applaudissements. Elle a rendu hommage aux femmes tunisiennes qui évacuaient leurs peines par le chant. Chant empreint de mélancolie et de non-dits. Elle a puisé dans la tradition de la mlaya ou du tmahzine présente autant à Gafsa, dont est originaire Zohra Lajnef et à Gasrine, dans le Sud tunisien, que dans les Aurès en Algérie. L'artiste a repris une chanson de Abdelwahab Aarfa, natif de la même ville, inspirée de la musique classique oranaise. Ne s'arrêtant pas, elle a continuer à chanter, avec un plaisir certain et au plus grand bonheur du public, Khebi serk ya el ghafel, de Dahmane El Harrachi. Portée sur la recherche mélodique, la musique de Zohra Lajnef s'adapte facilement au monde actuel. Elle est un mélange de sonorités orientales, de folklore, de fusion jazz, de gnawa et de Jeel music. Le tout baignant dans une sauce traditionnelle, roots. «Nous devons être fiers de nos racines», a-t-elle lancé à l'adresse des jeunes. Dans l'après-midi, et en raison de problèmes techniques, Thalathoun, le film de Fadhel Jaziri, n'a pas été projeté à la maison de la culture. Dommage. Ce long métrage, à lui seul, montre que le 7e art n'a jamais baissé la garde devant le règne anticulturel de la dictature. Heureusement que le public de Tlemcen, toujours privé de salles de cinéma dignes de se nom, a pu suivre lundi Bab'Aziz, la fiction philosophique de Nacer Khemir, et l'instructif documentaire Wajd, les mille et une voix, de Mahmoud Ben Mahmoud. Des films à présenter ailleurs en Algérie. La semaine tunisienne, qui a débuté le 22 mai 2011, sera suivie dans les prochains jours par la semaine de la Malaisie, puis celle du Koweït et de l'Espagne. Les Etats-Unis envisagent d'organiser une semaine après le mois du Ramadhan en septembre 2011. Ces semaines seront chapeautées par l'Office national de la culture et de l'information (ONCI). A noter enfin que le documentaire Abdelkrim Al Mahghili, de Larbi Lekhal, programmé à la faveur de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique» a été présenté mercredi soir au public.