Avec 5,2 milliards de dollars d'importation par an, l'Algérie est le premier client de la France dans le monde arabe et en Afrique. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat français au Commerce extérieur, reprend, à sa manière et avec un ton plus soigné, des propos tenus, il y a plus d'une année, par Bernard Kouchner, ex-ministre français des Affaires étrangères, lorsqu'il avait évoqué la génération de la guerre de Libération en Algérie. D'après Kouchner, les relations algéro-françaises se porteraient mieux avec le départ de la génération de la guerre de 1954. «Ceux qui regardent dans le rétroviseur se trompent de direction. Et c'est trop souvent le cas encore dans la relation franco-algérienne», a-t-il lancé lors de l'ouverture du premier Forum de partenariat algéro-français, hier à l'hôtel Hilton à l'est d'Alger. Harcelé par les journalistes pour donner plus d'explications à cette déclaration, Pierre Lellouche a confié avoir dit des choses «évidentes». «La plupart des jeunes dans nos pays sont nés après 1962. Ce qui doit nous occuper, c'est l'avenir. On ne va pas rejouer les guerres et les douleurs du passé. Je le crois vraiment. Le monde est en train de changer vite avec l'émergence de nouvelles puissances. Le lien entre l'Afrique et l'Europe a une signification complètement différente par rapport au XIVe siècle. Notre intérêt c'est de regarder ensemble vers l'avenir dans le respect mutuel sans faire l'impasse sur ce qui s'est passé. Il ne s'agit pas d'oublier», a-t-il dit. La précision de la date de 1962 n'est pas faite par hasard par cet homme de droite. C'est l'année de l'indépendance et la fin du colonialisme français en Algérie. A ses yeux, tourner la page du passé concerne autant les Algériens que les Français. Le ministre français a estimé que les relations économiques sont toujours le produit de l'histoire et de la géographie des peuples. «Nous avons tout intérêt, pour des raisons de stabilité de toute la région et de lien et de paix avec l'Europe, que le développement économique soit réussi. Nous avons intérêt que l'Algérie soit prospère, pacifique et forte. L'Algérie a un rôle régional important à jouer, elle a un destin», a-t-il appuyé. Il n'a fait aucune allusion aux révoltes arabes ni aux appels aux changements politiques dans plusieurs pays arabes. Pas de chasse gardée La contrepartie d'un silence sur la nécessité de procéder à des réformes démocratiques en Algérie est-elle une présence plus importante des entreprises françaises en Algérie ? Pierre Lellouche a reconnu que la France a perdu beaucoup de terrain en Algérie, disant au passage qu'il n'y a pas de chasse gardée. Selon lui, la part de la France dans le marché algérien est passée de 25 à 15%. «Cette part est de 15 à 20%», devait répliquer Mustapha Benbada, ministre du Commerce. «On doit travailler plus. C'est pour cela qu'on est là. Nous tenons à cette relation. Les visites ministérielles se succèdent. Jean-Pierre Raffarin est venu trois fois en six mois pour faire avancer des dossiers que nous croyons importants. La différence entre la France et les autres pays, c'est nous, nous assurons le transfert de technologie. Nous n'accompagnons pas seulement l'Algérie», a estimé Pierre Lellouche. Le partenariat gagnant-gagnant est, selon lui, une stratégie à atteindre. Il a expliqué qu'a, et troisième hors zone OCDE, après la Chine et la Russie. Pierre Lellouche n'a pas manqué de souligner qu'en Algérie, il y a plus de citoyens chinois que de citoyens français, y compris les doubles nationaux. Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre et vice-président du Sénat, en charge du suivi du dossier des relations algéro-françaises, a relevé, pour sa part, qu'une compétition des continents s'organise. «Des pays émergents affirment la puissance de leur croissance et d'une certaine manière, ils constituent, à eux seuls, une forme de mondialisation. Dans cette compétition, l'Europe a besoin de l'Afrique et l'Afrique a besoin de l'Europe», a-t-il précisé, plaidant pour «l'Eurafrique». M. Raffarin a parlé d'une alliance entre l'Algérie et la France qui serait «un trait d'union» entre les deux continents. «Cette vision géostratégique est partagée par les autorités algériennes et par les autorités françaises. Nous sommes dans une communauté de destin», a-t-il appuyé. Les deux peuples cherchent, selon lui, la création de l'emploi. Des emplois à créer localement. Cela est perçu comme un défi politique. C'est également une manière de contrer les flux migratoires vers le Nord.