C'est peut-être le début de la fin pour Ali Abdallah Saleh. Le président du Yémen, qui dirige le pays depuis 33 ans, s'est déplacé en Arabie Saoudite, pays voisin de la seule République du Golfe, pour se soigner. Un déplacement qui ressemble à une fuite. Ali Abdallah Saleh aurait été blessé, le 3 juin, dans à un attentat qui a ciblé le palais présidentiel. Les conditions de cette attaque demeurent toujours imprécises. Se peut-il qu'Ali Abdallah Saleh ait été ciblé par sa propre garde ? Possible. Et comme il fallait s'y attendre, le régime de Sanaa a accusé Al Qaîda «et des éléments criminels» d'avoir «bombardé» le palais présidentiel. L'attaque a provoqué la mort de sept personnes, dont des gardes du corps du chef de l'Etat yéménite. Selon la BBC, Ali Abdallah Saleh a été atteint par des éclats près du cœur et brûlé au second degré au visage. Toujours est-il que le président du Yémen, qui fait l'objet d'une forte contestation populaire depuis trois mois, a, selon la chaîne qatarie Al Jazeera, quitté le pays pour Riyad accompagné de 35 des membres de sa famille et de hauts responsables. D'où l'idée que le retour de Ali Abdallah Saleh à Sanaa serait impossible ou retardé au maximum. Des observateurs estiment que l'Arabie Saoudite, qui abrite déjà le dictateur tunisien Zine Al Abidine Ben Ali et son épouse Leïla Trabelsi, a préparé ce plan de «fuite» au président yéménite pour lui éviter l'humiliation et le jugement par le gouvernement qui va émaner de la «Révolution». Ali Abdallah Saleh et ses partisans militaires n'ont pas hésité à massacrer des manifestants pacifiques à Sanaa, Maarab, Zendjibar, Taïz et Aden. N'ayant pas réussi à plier les jeunes, qui occupent les places publiques depuis des semaines, le régime de Sanaa, inspiré de celui de Tripoli, a tenté de créer une guerre civile. D'où les affrontements avec les fidèles armés de Sadek Al Ahmar, un leader tribal. Au Yémen, la plupart des tribaux sont armés. C'est pratiquement le seul pays au monde où chaque habitant possède en moyenne deux armes ! «Abdallah Saleh fait peur aux gens. Il se venge. Il veut laisser, en partant, un pays divisé. Il veut voir le chaos partout. Il est même prêt à soutenir Al Qaîda pour créer des troubles», a estimé l'analyste politique Tahar Abdelbari à Al Jazeera. Danger exagéré Abdallah Saleh applique en fait la même «recette» que Mouammar El Gueddafi. Se sachant condamné à lâcher le pouvoir tôt ou tard, après 42 ans de dictature, le tyran de Tripoli a non seulement imposé la guerre civile à son pays, mais a mis en avant la menace d'Al Qaîda. Il est curieusement relayé par des pays comme l'Algérie. A Alger, on parle avec insistance sur «le danger» Al Qaîda et du «dépôt» d'armes qui se trouverait en Libye. Des armes qui auraient servi à des attentats au nord de l'Algérie. Jamais par le passé les autorités algériennes ne s'étaient inquiétées de «l'origine» des armes ou des explosifs qu'utilisaient les groupes armés en Algérie et dans le Grand Sud depuis des années. Actuellement, Abed Rabbo Mansour Hadi, vice-président du Yémen, assure l'intérim. Militaire de formation, Abed Rabbo, véritable ombre de Ali Abdallah Saleh, est secrétaire général du Congrès populaire général (CPG). Le CPG domine le pouvoir à Sanaa, comme l'ont fait le RCD en Tunisie et le Parti national en Egypte, des partis aujourd'hui disparus après la chute des dictatures de Zine Al Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak. L'opposition yéménite s'inquiète sur le sort des fonds accaparés par la famille de Ali Abdallah Saleh. Une partie de cette fortune aurait été transférée à l'étranger. L'opposition a clairement déclaré qu'elle ne veut plus revoir Ali Abdallah Saleh au Yémen. Tarek Al Chami, porte-parole du CPG, a, lui, déclaré à la chaîne saoudienne Al Arabiya que le président allait «regagner» le Yémen «dans les prochains jours». Sans autre précision. «Aujourd'hui, un nouveau Yémen est né (…) C'est fini, le régime est tombé», ont crié des milliers de manifestants près de l'université de Sanaa, cité par les agences de presse.