Nombreuses sont les familles qui dénoncent cette situation et sont déterminées à arracher un décret reconnaissant aux personnes assassinées par les terroristes un statut de victime. Ni la pluie battante ni la présence policière n'ont pu empêcher le rassemblement des familles des victimes du terrorisme, hier matin, devant le siège du Sénat à Alger pour exiger de l'Etat «un statut pour toutes les victimes du terrorisme». Les protestataires, en majorité des femmes qui ont perdu soit un mari, un fils ou une fille, ont même réussi à bloquer la route pendant une vingtaine de minutes. Une quinquagénaire, arborant le portrait de sa fille, Samia, fauchée à la fleur de l'âge par des balles assassines en février 1997 à Beau-Fraisier (Alger), dit toute sa consternation de voir l'Etat «ne pas reconnaître le statut de victime aux Algériens assassinés par des terroristes qui, eux, bénéficient des largesses de la République». «Ma fille était étudiante quand elle a été assassinée et l'Etat ne lui accorde pas un statut de victime du terrorisme», a-t-elle dénoncé. Elles sont nombreuses les familles qui dénoncent cette situation et sont déterminées à arracher «un décret reconnaissant aux personnes assassinées par les terroristes un statut de victime». Les familles de victimes, présentes hier au rassemblement, n'ont pas encore accepté la loi sur la paix et la réconciliation nationale. «Il ne s'agit pas d'une tragédie nationale, mais plutôt d'un terrorisme aveugle qui a arraché à l'Algérie ses fils les plus valeureux. On ne peut pas accepter de mettre le bourreau et la victime dans le même sac comme le consacre la réconciliation de Bouteflika. Lui n'a pas connu l'effroyable violence des années 1990», a lâché M. Malika, une sexagénaire dont deux fils (policiers) ont été assassinés durant les années de terreur. «Je ne pourrai pas pardonner à celui qui a tué mon frère, et puis la loi sur la réconciliation n'est pas un livre saint. Les assassins doivent être jugés», a tonné un autre parent d'une victime venu de la région de la Mitidja. La rumeur selon laquelle des terroristes seront libérés n'est pas pour rassurer les contestataires et attise leur colère contre le pouvoir. «Il ne manquait plus que ça, si ça venait à se confirmer, nous préférons aller en prison pendant qu'on y est !» crient à tue-tête ces vaillantes femmes dont la plupart souffrent de maladies chroniques provoquées par le traumatisme de la violence subie durant la décennie noire du terrorisme. Elles se disent radicalement opposées à toute amnistie. «Pas question d'amnistier les assassins de nos enfants», ont-elles affirmé. Et «si le pouvoir cherche la caution des familles des victimes du terrorisme pour une éventuelle amnistie, nous disons que celle qui parle en notre nom ne représente que sa personne». Elles font allusion à Mme Flici qu'elles accusent d'avoir «fait de la cause des victimes du terrorisme un fonds de commerce et une tribune à des fins politiciennes». Avant qu'elles ne se séparent, les contestataires ont observé un sit-in devant le siège de l'Assemblée nationale où les députés étaient occupés à «débattre» de la loi de finances complémentaire. Bien évidemment, aucun d'eux n'a entendu le cri de détresse de ces courageuses femmes qui ne réclament de l'Etat que le droit d'être reconnues en tant que victimes. Avant de quitter les lieux, les femmes se sont donné un autre rendez-vous de contestation pour la semaine prochaine.