Elles ont tenu, hier, difficilement leur rassemblement devant le siège de l'Assemblée populaire nationale (APN). Malmenées, violentées par la police, des familles victimes du terrorisme venues de différentes localités d'Alger ont pu, malgré la brutalité des «femmes» policières dépêchées sur les lieux, hurler leur détresse et leur déception quant au discours du président de la République. Les protestataires exigent des autorités une réponse à leur plateforme de revendications remise aux différentes institutions étatiques. «Nous avons décidé de tenir notre rassemblement devant l'APN, car cette institution symbolise l'Etat», crie Mme Djafel à la face du policier qui tente de la chasser de la placette qui fait face à l'hôtel Es Safir. Les forces de sécurité voulaient à tout prix disperser la foule ; les agents ont demandé fermement aux manifestants d'évacuer la placette et de revenir un autre jour. «Aujourd'hui, c'est la journée du RCD, rentrez chez vous», a martelé un policier. Elles étaient quelques dizaines de familles à être, hier, au rendez-vous et à scander des slogans dénonçant leur marginalisation et le manque de considération dont elles sont victimes. Déçues, ces familles ne comprennent pas pourquoi le chef de l'Etat n'a même pas fait allusion à leur situation dans son discours de vendredi. Elles qui ne réclament que la reconnaissance de leurs souffrances et une vie décente. Cela fait plus d'un mois que ces manifestants occupent la rue dans l'espoir d'arracher leurs droits : «On attendait avec impatience l'intervention de Bouteflika, mais aujourd'hui nous sommes déçus. Le Président a parlé de la décennie noire, des larmes versées par les mères et des séquelles qu'ont gardé les Algériens de cette période, seulement, il a oublié notre existence», déplore Radia. Avec amertume, elle regrette presque que son mari ne soit pas monté au maquis… «Je suis veuve avec deux enfants à ma charge, je ne travaille pas et j'habite chez mes parents depuis l'assassinat de mon mari car je n'ai pas où aller. J'avais un grand espoir en la personne du chef de l'Etat, mais pas un mot sur nous. Ceci est injuste», s'indigne-t-elle. La principale revendication de ces familles ayant perdu un être cher consiste en l'élaboration d'un statut qui «consacrerait la sauvegarde de la mémoire collective, les intérêts moraux et matériels des victimes du terrorisme et des ayants droit par les moyens de l'Etat», rappelle Radia, qui revendique un statut au même titre que les terroristes et leurs familles. «Comment voulez-vous que je fasse vivre mes enfants avec les 5000 DA de pension accordée ? Mieux encore, les virements ont été suspendus depuis quelques mois», témoigne-t-elle. Les récits du vécu amer de ces manifestants sont aussi nombreux que poignants. Ces familles ayant payé de leur vie la lutte contre un terrorisme des plus barbares, gardent les séquelles de ces actes ignobles. «Nous n'avons pas eu une vie normale après la mort de mon époux. Mes enfants n'ont jamais réussi à s'en remettre. L'Etat nous a promis une prise en charge totale tant sur le plan matériel que moral. Mais nous n'avons vu ni des psychologues ni une rémunération conséquente. Les promesses de l'Etat sont restées sans suite», dénonce Mme Djafel. Après près d'une heure de manifestation, les esprits s'échauffent, la police bouscule et tabasse même certaines femmes, qui cependant refusent d'abdiquer. Pour éviter la confrontation avec les forces de l'ordre, les protestataires plient leurs banderoles et promettent de reconduire leurs manifestations chaque jour, devant le siège de la Présidence, «jusqu'à ce que le président de la République décide de nous prendre en charge».