Les théâtres régionaux de Constantine, Batna et Béjaïa sont les grands gagnants du sixième Festival national du théâtre professionnel clôturé mardi soir. A la clôture, mardi soir au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi, du sixième Festival national du théâtre professionnel (FNTP), Ahmed Menour, président du jury, a livré en vrac ses critiques sur treize pièces qui étaient en compétition depuis le 24 mai dernier. Ahmed Menour, qui a été aidé, entre autres, par l'Irakienne Chada Salem, l'Egyptien Sameh Mehrane, le Marocain Abderrahmane Ben Zidane et l'Algérien Djamel Dekkar, a d'abord appelé à réduire la durée de la compétition de quinze à dix jours. Ensuite, il a évoqué les faiblesses constatées dans les productions théâtrales et a révélé que le jury a consacré presque trente heures pour discuter des prix à attribuer. «Nous avons constaté l'absence d'un langage artistique de haut niveau dans les dialogues de la plupart des pièces. Nous avons relevé une utilisation excessive des mots de rue. Il y a eu aussi beaucoup de slogans, de signification directe et de recours abusif à la comédie avec une volonté de provoquer le rire du public au détriment de la construction dramatique des pièces», a-t-il remarqué. Cela n'a pas plu à certains professionnels qui, dans les coulisses, ont estimé que le théâtre actuel s'inspire du vécu et use des mots utilisés par la société, chaque jour dans les rues ou ailleurs. D'autres ont détecté chez le jury «un esprit» ENTV qui veut que «le langage» soit «conforme», «javelisé». Le jury de Ahmed Menour a décidé de ne pas attribuer les prix des meilleurs spectacles complets, musique et texte. Là aussi, les professionnels ont été critiques. La pièce Aâm El Hebl (L'année de la corde) de Djamel Marir, du théâtre régional de Skikda, au-delà du fond, obéissait à toutes les règles du travail complet. Cette pièce a été injustement ignorée par le jury. Jury qui, visiblement, n'a pas bien écouté les musiques composées dans plusieurs pièces. Les efforts de la troupe Al Assil de Laghouat, qui a monté la pièce El Hit (Le mur), auraient dû aussi être récompensés ne serait-ce que par encouragement à ce souci d'innovation. Le jeune Faouzi Ben Brahim a décroché le prix du meilleur metteur en scène pour Moustanqaa Al Dhiab (Le marécage des loups) du théâtre régional de Batna (TRB). Un prix mérité ! «Vive les jeunes», ont crié les présents. Mouni Boualem, qui a séduit le public dans la pièce Lillet Al Layali (La nuit de toutes les nuits) du Théâtre régional de Constantine (TRC), a décroché la distinction de la meilleure comédienne. Mohamed Delloum, qui a interprété le rôle de Abdou dans la même pièce, a eu le prix de l'espoir masculin. Le prix de l'espoir féminin a été attribué à Sabrina Boukeria pour le double rôle d'une gouvernante et d'une vieille dame dans la pièce Holm ab (Le rêve d'un père), pièce mise en scène par Hama Meliani du Théâtre national algérien (TNA). «Je suis heureuse, car j'ai réalisé un vœu de ma mère. Je ne m'attendais pas à avoir un prix. C'était la dernière chose à laquelle je pensais. Ma récompense est que le public m'a applaudie à la fin du spectacle», nous a-t-elle confié. Sabrina Boukeria est sur les planches depuis le début des années 2000. Après des passages dans des associations, elle a décroché un rôle dans la pièce La rage des amants de Hama Meliani du TRC. Elle a également campé un personnage dans la production du théâtre régional d'Oum El Bouaghi, Al bassis. Mohamed Tahar Zaoui, du Théâtre régional de Batna, a été consacré meilleur comédien du sixième FNTP. Il a joué dans la pièce Moustanqaa Al Dhiab de Faouzi Ben Brahim. «J'ai été dirigé par un metteur en scène. Dire que c'est un jeune importe peu. Faouzi est un jeune plein de talent et d'imagination. Il est encore vierge dans sa tête. C'est ce qui a fait la différence. Ce prix est le résultat d'un effort. Lorsqu'on fait quelque chose de bien, entouré de bons comédiens et d'une bonne administration, on sent qu'on peut en récolter le fruit», nous a déclaré Mohamed Tahar Zaoui. Il participe actuellement à l'écriture de scénarios de quelques épisodes d'un sitcom, Kheli el bir beghtah (Laisse le puits avec son couvercle), qui sera diffusé durant le Ramadhan par l'ENTV. «Côté théâtre, j'ai fait une adaptation d'un texte pour l'association Affaq de Batna. La générale de Hiqayet moussadess (histoire d'un pistolet) aura lieu ce mois de juin», a-t-il précisé. Yahia Ben Ammar a eu le prix de la meilleure scénographie pour la pièce Lillet Al Layali du TRC. Ce n'était que justice. Cette scénographie, et nous l'avions déjà signalé, était la meilleure du sixième FNTP. Enfin, le prix du jury est revenu à la pièce Au-delà de la mer de Abdelaziz Youcefi du Théâtre régional de Béjaïa. Une production fort appréciée par les inconditionnels du quatrième art. «Le jury a évalué avec rigueur toutes les pièces de ce sixième festival. Rappelez-vous que dans les premières éditions, le jury n'a pas accordé des prix. Si nous ne faisons pas cela, on ne rend pas service à notre art. Il y a des lignes rouges à ne pas dépasser en matière artistique. Il faut remettre les choses à leur place et agir avec sagesse», estimé M'hamed Benguettaf, commissaire du FNTP et directeur du Théâtre national algérien. Il a reconnu l'existence d'une crise de textes au théâtre algérien. «Il n'y a pas d'auteurs. Depuis Bachtarzi et les années 1920, ceux qui ont écrit pour ce théâtre ne sont que les comédiens et les metteurs en scène. Dehors, il n'y a que deux ou trois auteurs qui ont produit des textes. Il y a une école pour former les metteurs en scène, mais pour les auteurs, c'est un autre problème. C'est une question d'école, de société et d'autres choses», a-t-il souligné. A noter enfin que la cérémonie de clôture du sixième FNTP a commencé avec un spectacle de chorégraphie contemporaine de la coopérative artistique Wesh du jeune Fares Fettan. Intitulé Mektoub, le spectacle, accompagné aux percussions par Hakim Mahfouf, faisait appel tant au hip hop qu'à la capoeira et à la tribal dance.