Deux thèses se sont affrontées, la première consistait à décider d'une augmentation du plafond de production, la deuxième à reporter le débat pour une augmentation de la production lors d'une réunion au mois de septembre prochain. La guerre civile en Libye a marqué les travaux de la conférence des pays exportateurs de pétrole qui a eu lieu mercredi passé. C'est un véritable bras de fer qui a opposé quatre pays du Golfe emmenés par l'Arabie Saoudite aux six pays qui se sont opposés à une augmentation du plafond de production. Si l'on se base sur les informations rendues publiques à la fin de la réunion, deux thèses se sont affrontées. La première est contenue dans la proposition émanant de l'Arabie Saoudite et soutenue par le Koweït, le Qatar et les Emirats arabes unis qui consistait à décider d'une augmentation du plafond de production. La deuxième défendue par l'Iran qui préside l'OPEP pour l'année 2011 et soutenue par l'Irak, l'Algérie, l'Angola, la Libye et le Venezuela consistait à reporter le débat pour une augmentation de la production lors d'une réunion au mois de septembre prochain. Les débats ont dû être houleux si l'on se réfère à la réaction du ministre saoudien du Pétrole, Ali El Nouaïmi, qui a déclaré à la fin de la réunion : «C'est l'une des pires réunions que nous n'avons jamais eues.» Pour calmer la situation, le secrétaire général de l'OPEP, Abdallah El Badri, qui est libyen, a déclaré : «Les membres n'ont pas obtenu de consensus sur une modification de la production.» Et d'ajouter : «Nous ne sommes pas en crise en ce moment, il n'y a pas de pénurie sur le marché.» Défendant la position des pays qui se sont opposés à l'augmentation de la production pour cette réunion, le ministre iranien du pétrole, Mohamed Ali Abadi, qui est en même temps président en exercice de l'OPEP, a affirmé : «Nous avons suggéré un délai de trois mois pour évaluer le marché et pour prendre une décision plus appropriée mais cette proposition n'a pas obtenu de consensus.» Atténuant les divergences, le ministre iranien a indiqué à la presse que «pendant cette réunion, personne ne s'est véritablement opposé à une augmentation de la production, c'est le timing et le montant de cette hausse qui ont fait débat». Deux thèses se sont affrontées La position de l'Arabie Saoudite était confortée par deux aspects. La recommandation du comité de surveillance des marchés de l'organisation qui a proposé d'augmenter le plafond de production de 1 à 1,5 million de barils par jour. Et le fait que la production réelle de l'organisation pour les 11 pays concernés par les quotas est supérieure de 1,47 million de barils par jour. Soit 26,31 millions de barils par jour contre 24,8 j. La position des 6 pays qui se sont opposés à l'augmentation à partir de ce mois de juin était confortée par le fait que le marché est bien approvisionné et que les stocks étaient bons. Et l'idée de reporter la discussion sur une augmentation de la production au mois de septembre était très prudente aussi, même si les pays consommateurs ont lancé des signaux sur le danger d'une remise en cause de la reprise de l'économie mondiale par des prix du pétrole plus élevés. En réalité les facteurs qui ont affecté les débats dépassent les enjeux du marché pétrolier. La situation politique dans le monde arabe et la guerre civile en Libye dans laquelle sont impliqués deux pays membres de l'OPEP, à savoir le Qatar et les Emirats arabes unis ont dû marquer les esprits et influé sur les débats. On se trouve au sein d'une organisation (OPEP) où deux pays membres (Qatar et Emirats arabes unis) participent à une guerre contre un autre pays membre (Libye) dont un représentant a finalement assisté aux travaux. Absente à la cérémonie d'ouverture, la Libye a finalement assisté représentée par Omrane Aboukraâ, ancien responsable de la compagnie de l'électricité et secrétaire au Comité populaire général libyen des affaires arabes, après la défection de l'ancien responsable du secteur pétrolier Choukri Ghanem. La production libyenne, qui était de 1,6 million de barils par jour, serait actuellement de 169 000 barils par jour. Le syndrome libyen L'intransigeance de l'Arabie Saoudite et des trois autres pays du Golfe à vouloir décider d'une augmentation à partir de ce mois de juin ne peut s'expliquer que «politiquement» comme une volonté d'imposer un point de vue puisque depuis de nombreuses années, les pays de l'OPEP ont toujours trouvé un consensus même dans les pires moments. Un report du débat sur l'augmentation de la production au mois de septembre aurait pu être décidé. A l'intransigeance saoudienne et des autres pays du Golfe, les six autres pays ont opposé un refus de l'augmentation pour juin. Une manière comme une autre de marquer une différence d'approche dans la gestion de la régulation du marché pétrolier. Les deux autres pays membres de l'organisation, le Nigeria et l'Equateur, n'ont pas beaucoup participé aux débats, une sorte d'abstention selon des sources proches de l'OPEP. Le résultat est là, la conférence n'a pas produit de communiqué. Ce qui est très rare chez l'OPEP. Même si les prix ont connu une augmentation après la fin de la réunion, ils se sont stabilisés vendredi avec un léger recul après les deux augmentations de mercredi et jeudi. Le baril de pétrole brut américain a retrouvé ses niveaux d'avant la réunion de l'OPEP soit 99,35 dollars hier. Alors que le brent était à 118,27 dollars. Mais l'OPEP vient d'être touchée directement par la situation qui prévaut dans le monde arabe. Même si les divergences ne risquent pas de mener à l'éclatement de l'Organisation, il reste qu'un climat délétère règne au sein de l'organisation. L'Arabie Saoudite avait déjà, dès le mois de février, augmenté sa production pour remplacer le pétrole de la Libye dont la production a reculé d'environ 1,5 million de barils et elle peut encore augmenter sa production comme elle a l'habitude de le faire quand elle est sollicitée. On ne sait pas ce qui va se passer lors des prochaines rencontres, mais ce qui est sûr c'est que la situation dans le monde arabe et la guerre civile en Libye risquent encore d'affecter les débats au sein de l'OPEP, même si ses membres vont privilégier encore la défense de leurs intérêts.