La réunion des chefs de cour avec le ministre de la Justice a pris fin hier au siège de la Cour suprême. Lors de son discours de clôture, le ministre Tayeb Belaïz a mis l'accent sur ce qu'il avait qualifié auparavant des « dix commandements » à même « de combler les insuffisances du secteur ». Il s'agit du respect des horaires des audiences, du traitement des affaires pénales et civiles dans un délai acceptable, de la présentation des motifs des jugements et arrêts dans la semaine qui suit leur prononciation, de la remise des jugements et arrêts dans un délai ne dépassant pas deux mois après leur prononciation, de l'exécution de ces derniers, de la remise du casier judiciaire et du certificat de la nationalité la même journée de la demande et, enfin, du bon accueil des citoyens et de la prise en charge de leurs préoccupations. « La justice ne peut se développer quels que soient les efforts consentis sauf en consacrant une attention particulière aux décisions rendues au nom du peuple. C'est cette voie qui nous mènera à la consécration et au renforcement de la crédibilité de la justice (...). Pour réaliser cet objectif, je demande à tous d' être attentifs à la qualité du travail judiciaire, notamment celle des jugements et arrêts judiciaires, afin d'éviter les insuffisances et les erreurs qui peuvent les entacher. La qualité visée concerne la forme et le fond de ces décisions, notamment à travers la citation claire des faits, des demandes, de la défense et des réponses apportées comportant des attendus convaincants, clairs et prêts à être exécutés. » Durant la matinée, les chefs de cour ont poursuivi pour la troisième journée leurs exposés sur la situation des juridictions. Le procureur général de Blida a entamé son intervention par une citation qui explique que la justice était « une équation égale au retard ». Pour lui, cette juridiction a réussi à absorber tout le retard dans le traitement des affaires, tout en précisant que durant l'année 2005, elle a rendu plus de 190 000 décisions de justice. Il a fait état d'un problème posé par une juge qui continue « à rendre ses décisions sans les attendus sous prétexte qu'elle ne fait pas confiance à ses assistants ». Une révélation qui a poussé le secrétaire général à demander qu'une enquête soit menée pour élucider ce problème. La cour de Skikda a été, quant à elle, prise à partie par l'inspecteur général qui a déclaré, après avoir écouté patiemment l'exposé positif sur la situation présenté par le procureur général : « Devant moi, j'ai une situation différente. La majeure partie des lettres que je reçois concerne cette cour. Les dénonciations nous tombent comme une pluie. Nous avons constaté que de nombreux patrons de société privée arrivent à faire condamner les entreprises publiques avec une facilité inquiétante et leur arrachent des sommes colossales en dommages et intérêts. » L'inspecteur général a cité en exemple un cas qui, selon lui, est révélateur de cette pratique. La présidente de la cour s'est défendue en précisant que son installation à la tête de la cour est récente. « J'ai hérité de cette situation et je tente de rétablir les choses », a-t-elle déclaré. Pour mettre un terme à cet échange de propos, le secrétaire général a préféré clore les débats en annonçant qu'une mission d'inspection sera dépêchée « pour tirer au clair cette situation ». Le procureur général près la cour de Tébessa a fait état de plusieurs carences constatées dans cette juridiction, surtout en matière de structures. Il a fait éclater la salle de rires lorsqu'il a fait état des travaux de construction de la cour de cette wilaya. « Cette cour a été réceptionnée par des responsables du ministère, alors que l'entrepreneur n'avait pas prévu dans ses travaux une entrée principale. De plus, il a prévu l'accès des détenus juste derrière la chaise du président d'audience... » Des propos qui ont provoqué la colère du secrétaire général qui a demandé que des sanctions soient prises à l'encontre des responsables chargés de ce projet. Le procureur général a, pendant plus d'une demi-heure, interpellé chacun des cadres du ministère sur les engagements non tenus. « Nous avons la mauvaise réputation de mauvais payeurs au point que les entrepreneurs se sont mis d'accord de ne plus nous prendre les marchés. » Pour sa part, le procureur général de Sétif a mis en exergue la surpopulation carcérale en disant que les capacités actuelles sont de 400, alors que le nombre de détenus est de 1200, soit trois fois le seuil requis. Il a également insisté sur le manque de fourgons cellulaires dans cette cour, qui n'en possède que deux pour le transfert des détenus. Son collègue de Mostaganem a, lui aussi, parlé des carences de sa juridiction en citant la vétusté et l'exiguïté des tribunaux qui remontent, pour certains, à l'époque coloniale. Néanmoins, le procureur général d'Illizi a plutôt axé sur les difficultés rencontrées lors des commissions rogatoires avec les pays étrangers, en citant comme exemples la Libye et la France.