Une assistance nombreuse a participé hier, au cimetière chrétien de Diar Es Saâda (El Mouradia), à une cérémonie mémorielle organisée à l'occasion du 55e anniversaire (le 5 juin) de la mort du héros de la guerre de Libération, Henri Maillot. Yvette Maillot, sa sœur, était entourée d'une foule nombreuse de moudjahidate et de moudjahidine dont d'anciens condamnés à mort, de militants communistes (du PCA et du PAGS) ainsi que des membres du FLN. Etaient également présents d'autres Algériens venus rendre hommage à un homme qui a offert sa vie pour «une Algérie libre, indépendante, fraternelle et tolérante». La réussite de cet évènement est due au dynamisme de Merzak Chertouk, qui déploie d'efforts méritoires depuis plusieurs années afin que soient également honorées toutes ces personnes d'origine européenne qui ont consenti d'immenses sacrifices en répondant à l'appel de la patrie. L'aspirant Maillot, officier réserviste de l'armée française d'occupation, déserta le 4 avril 1956 en emmenant un camion contenant un important lot d'armes (mitraillettes, révolvers, fusils, grenades) et d'uniformes. Alors âgé de 28 ans, il était un militant du Parti communiste algérien (PCA), une formation entrée dans la clandestinité après le déclenchement de la lutte armée. Sa désertion et la fourniture des armes détournées aux maquisards des Combattants de la libération (CDL, communistes) et de l'ALN avait déclenché une violente tempête contre lui et sa famille. Répondant à l'hystérie qui s'était répandue dans la presse coloniale, Henri Maillot adressa une lettre à l'opinion publique, diffusée par des agences de presse et des journaux. Il expliqua sa démarche dans les termes suivants : «Je ne suis pas musulman, mais je suis un Algérien d'origine européenne. Je considère l'Algérie comme ma patrie. Je considère que je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Le peuple algérien, longtemps bafoué, humilié, a pris résolument sa place dans le grand mouvement historique de libération des peuples (…) Il ne s'agit pas (…) d'un combat racial mais d'une lutte d'opprimés, sans distinction d'origine, contre leurs oppresseurs et leurs valets sans distinction de race (…). En livrant aux combattants algériens des armes dont ils ont besoin pour le combat libérateur, j'ai conscience d'avoir servi les intérêts de mon pays et de mon peuple, y compris ceux des travailleurs européens momentanément trompés.» Maillot ne vécut pas très longtemps au maquis. Le 5 juin 1956, deux mois jour pour jour après le détournement du camion d'armes, il fut mitraillé par des soldats de l'armée coloniale dans le djebel Derraga, dans la région de l'oued Chélif, tombant au champ d'honneur aux côtés de trois de ses compagnons : Maurice Laban, Belkacem Hannoun et Djillali Moussaoui. Mohamed Rebah, auteur du livre Des Chemins et des hommes, commentait ainsi, il y a quelques semaines, l'action spectaculaire de ce jeune homme héroïque : «La guerre pour l'indépendance en est à son vingtième mois. Le camion d'armes d'Henri Maillot entre dans la légende. La date du 4 avril 1956 s'inscrit au fronton de l'histoire.» C'est pourtant une légende de laquelle se détournent jusqu'à présent les autorités algériennes. Quarante-neuf ans sont passés depuis l'indépendance de l'Algérie et, à ce jour, il n'y a ni école, ni lycée, ni autre établissement portant le nom d'Henri Maillot. Plus affligeant encore, le petit film documentaire qui lui a été consacré n'a pas été diffusé. Algérie, où est ta grandeur ?