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Dynamique sociale et limites institutionnelles
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Nous commencerons cet article par les propos très significatifs de Djillali Liabes : «…les règles de comportement individuel et des groupes est une donnée essentielle à prendre en charge dès lors que l'on aspire à transformer les hommes en sujets de leurs propres pratiques. C'est parce que l'on a méconnu ce donné d'expérience, ce résultat historique que les ‘‘actions de développement'' initiées naguère ont échoué, et se sont effondrées sur elles-mêmes»(1).
En lisant la presse ou les études faites sur les entreprises algériennes, le discours véhiculé autour de l'importance accordée au facteur humain dans le développement et le changement est dominant ; néanmoins, il semblerait que la part du discours l'emporte sur ce que reflète la réalité. C'est ainsi que dans le même temps où les dirigeants des entreprises sont fiers de citer la gestion de la qualité comme une des expressions de la modernisation, il est relevé une insatisfaction permanente des salariés et un manque de motivation au travail qui concourent à développer un mauvais climat de travail. Est-ce que cela signifie que beaucoup de dirigeants ne possèdent pas encore une vision globale de la réalité des entreprises et continuent, malgré les apparences, à reproduire une vision techniciste de la gestion ? Est-ce que cela signifie que trop de problèmes se sont accumulés et dépassent le cadre de l'entreprise ou de l'organisation ? Pourquoi les revendications s'expriment à présent au sein de l'espace public, «la rue», et non plus dans un cadre syndical
organisé ? Ce sont-là les interrogations auxquelles nous essayerons d'apporter des éléments d'analyse du monde du travail et de la combativité des salariés.
Le mouvement social (ou les mouvements sociaux) est au cœur des préoccupations des sociologues dans la mesure où il possède une dimension collective. Généralement, l'intérêt porté à la mobilisation d'un nombre important de personnes pour une action revendicative a pour origine deux facteurs :
- la capacité de mobilisation qui peut caractériser une organisation professionnelle ou syndicale ;
- la cause pour laquelle les personnes concernées se rallient
Partant de là, on pourrait formuler notre questionnement comme suit : les travailleurs qui recourent à la grève (que ce soit ceux de l'éducation, de la santé, d'Arcilor Mittal ou de la SNVI) réunissent-ils ces deux conditions? Dans le cas où n'interviendrait qu'un seul de ces facteurs, comment s'explique cette solidarité qui aboutit à une expression collective ouverte et frontale ?
Occulter ou nier le conflit n'est plus une conception moderne du management, la gestion des conflits étant enseignée aux cadres afin d'intervenir au sein des organisations du fait des situations conflictuelles, fussent-elles latentes ou apparentes, car toute relation implique un équilibre relatif qui change selon les situations. Un conflit se manifeste d'abord en interne, ce n'est que lorsqu'il ne trouve pas les moyens de sa résolution au sein de l'entreprise qu'il s'exprime en dehors de ce cadre, c'est-à-dire en dehors du cadre qui les a mobilisés dans des conditions contractuelles et normatives précises. Selon cette logique, l'analyse des conflits de travail fait intervenir non seulement les dirigeants des entreprises et du syndicat, mais fait aussi référence aux mécanismes de régulation sociale et à l'expression démocratique, lesquels mécanismes rendent compte de l'intervention de l'Etat en tant qu'acteur central de la société.
La face visible de l'iceberg
Commençons par aborder le cas de la SNVI. Pour beaucoup d'entre nous, cette société rappelle le grand complexe, jadis nommé CVI-Rouiba et qui était la fierté de l'industrie mécanique ; une branche d'activité appartenant à l'industrie lourde et qui devait permettre à l'économie algérienne de ne plus fonctionner uniquement grâce à la rente pétrolière. Comme beaucoup de grandes entreprises publiques, la SNVI a connu un déséquilibre financier à la fin des années 80 (à ce sujet, la focalisation sur ce résultat fut plus importante que la mise à nu des causes liées au mode de gestion irrationnel et au niveau de compétences des dirigeants), situation qui a poussé à la fin des années 90, le SG de l'UGTA a revendiquer la mise en œuvre d'un plan de sauvetage de l'entreprise, notamment suite aux restructurations qui ont affecté l'entreprise et la fermeture de plusieurs de ses ateliers(2).
Il faut savoir que la SNVI emploie à l'heure actuelle 5000 salariés qui étaient dans les années 90 au nombre de 13 523, ce qu'il faut retenir c'est que l'arrêt de travail d'un nombre aussi important n'est pas sans incidence sur les travailleurs de la région puisque la SNVI se localise avec Réghaïa, une zone industrielle connue pour sa combativité. La décision récente prise par l'Etat de financer le complexe industriel se situe dans le cadre de la redynamisation des entreprises publiques, et s'oppose à celle qui prévalait au début des années 90 où il était question de fermer les entreprises qui n'étaient pas performantes et de privatiser celles qui étaient encore viables. Le discours a donc été révisé et va dans le sens de ce qui a toujours été revendiqué par les travailleurs, en l'occurrence le maintien d'un secteur public fort dans la mesure où beaucoup d'entreprises ne sont pas aussi défaillantes et déficitaires que ce qui avait été diagnostiqué.
Il faut replacer cette stratégie (puisqu'il s'agit d'une) dans son contexte, à savoir un climat revendicatif constant qui s'est élargi à deux autres secteurs qui emploient un nombre important de salariés : ceux de l'éducation et de la santé, et donc la solution de l'aide financière représente la panacée au risque d'extension du mouvement contestataire au secteur économique dans son ensemble compte tenu de la baisse du pouvoir d'achat, du chômage, etc. Beaucoup d'autres mesures indiquent la volonté de redynamiser le secteur public : ce sont par exemple les dernières décisions visant à limiter la passation de marchés avec les sociétés étrangères, bureaux d'études et entreprises qui n'ont pas tenu leurs engagements et dont les propositions n'ont pas eu d'effets tangibles sur le terrain : c'est le cas par exemple de l'autoroute Est-Ouest qui n'a pas été livrée dans les temps, ou de celui de l'entreprise émiratie qui devait, grâce à son intervention, améliorer le trafic maritime au niveau du port d'Alger, et il y en a d'autres.
La société n'est pas une réalité figée, elle est un processus qui tire ses racines d'une situation antérieure et qui a une dimension future, le fait d'énoncer de nouvelles décisions ne donne pas du sens à la société. Il y a une différence entre un discours et le comportement des acteurs sur lequel porte ce discours. Ainsi, la question qui découle est la suivante : est-ce que la situation peut réellement être améliorée ? La réponse est que la réalité algérienne est assez complexe, nous sommes dans le cas d'une économie rentière et le travail industriel s'est développé sur cette base dans la mesure où la rentabilité et la productivité n'ont jamais été des variables structurantes du travail durant la phase du développement industriel, et même à l'heure actuelle si les générations de travailleurs ont changé, la rente d'où sont tirées toutes les ressources demeure.
Parallèlement à cet état des fait, s'est développé un secteur informel qui a fait émerger de nouvelles catégories sociales qui se sont enrichies dans un temps relativement court car transgressant la fiscalité. Ces conditions indiquent un frein à la mobilisation autour de l'effort ou du sacrifice, qui ont été parmi les valeurs autour desquelles a été bâtie la société industrielle en Occident. Mais, paradoxalement, même en l'absence d'une mobilisation par le syndicat unique, il y a une mobilisation. La combativité n'est pas anéantie malgré toutes les étapes par lesquelles sont passées les ouvriers. Déjà, dans un article publié en 1986, Saïd Chikhi rendait compte du développement du phénomène de la grève dans le monde du travail :
«le nombre des grévistes est dix fois supérieur en 1980 à celui de 1969 et il y a :
- 1 gréviste pour 23 travailleurs en 1969
- 1 gréviste pour 16 travailleurs en 1972
- 1 gréviste pour 9 travailleurs en 1977
- 1 gréviste pour 8 travailleurs en 1980»(3).
Par la suite, le nombre de grèves et de grévistes diminua, ceci fut le résultat de plusieurs facteurs qui eurent une incidence directe sur le monde du travail, tel que :
- sur le plan juridique, la promulgation du Statut général du travailleur (SGT en 1978), le décret exécutif du 22 décembre 1980 relatif à la composition, l'organisation et le fonctionnement de la commission d'arbitrage en matière de règlements des conflits collectifs, puis par la suite la loi 90-11 relative aux relations individuelles et collectives entre travailleurs salariés et employeurs.
- Sur le plan économique, le Programme d'Ajustement Structurel qui entraîna la restructuration des entreprises et la réduction des effectifs ouvriers.
- Sur le plan politique, les événements de 1988 qui en plus de la dimension idéologique qu'ils contenaient étaient l'expression d'une jeunesse dont les aspirations étaient autres que celles qui étaient véhiculées officiellement.
Que devient le syndicat au XXIe siecle et pour quelle représentativité?
Deux tendances se sont opposées depuis le début du XXe siècle pour expliquer le conflit, l'une le considère comme une situation pathologique et qui perturbe le fonctionnement d'une institution (le terme exact utilisé est celui de déséquilibre du système), quant à l'autre elle considère que le conflit est le moteur de la société dans le sens où ce sont les oppositions et les différences qui sont à l'origine de toutes les actions et les réactions, d'où la notion de dynamique sociale. Il est aisé de comprendre que la première conception a un contenu conservateur et la seconde un contenu lié au changement. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'une action collective se situe en dehors du cadre institutionnel normatif et elle exprime une situation d'inadéquation entre les valeurs véhiculées et ce à quoi aspirent les individus(4).
Partout à travers le monde, depuis la fin des années 80, on observe le même phénomène de décroissance du nombre de syndiqués, baisse de l'emploi, apparition des nouvelles formes d'emploi et diminution des salariés en tant que catégorie dominante dans la société, le taux de syndicalisation a baissé dans les pays développés non seulement parce que les aspirations et attente ont changé, mais il a baissé également sous l'effet des délocalisations. Un rapport de l'OIT à la fin des années 90, relève qu'autour de 8,5% des salariés à travers le monde sont membres d'un syndicat contre 16% en 1985.
En Algérie, même si le même phénomène de déclin est enregistré, certaines des causes sont différentes de celles qui expliquent le phénomène similaire dans les pays du Nord. En effet, si on se penche sur la construction historique du syndicat, le lien étroit avec la lutte de Libération nationale et son évolution ressort nettement. Le syndicat est né dans une Algérie coloniale où la lutte de libération était confondue avec la lutte du mouvement ouvrier, de ce fait la combativité a souvent été associée au nationalisme et depuis l'UGTA n'a pas réussi à se détacher du lien avec l'Etat. L'histoire du syndicat unique, depuis l'indépendance jusqu'à la fin des années 80 (apparition du multipartisme) reste marquée par l'absence de représentation d'un contre-pouvoir réel.
Dans ce contexte, la notion de partenaire social (ou partenaires sociaux) qui renvoie à deux parties distinctes, est à relativiser dans la mesure où le dialogue reste limité à certaines sphères, le rejet des travailleurs des résultats de la dernière tripartite par exemple ne se réfère pas uniquement au problème de la faiblesse de l'augmentation du SNMG, mais aussi au problème de la représentativité et du dialogue social de la base qui demeurent limités. L'aspect dénoncé dans ce cadre est en fait la faiblesse de la démocratisation, et le manque d'engagement avec lequel l'UGTA s'est distinguée à des périodes clés de l'histoire du mouvement ouvrier, comme ce fut le cas lors des licenciements collectifs dans les années 90.
Par ailleurs, la notion de partenaire social est rendue floue compte tenue de la présence des syndicats autonomes qui n'arrivent pas, malgré l'ampleur de leurs actions, à être considérés comme des partenaires à part entière.Deux notions importantes viennent d'être citées qui demandent à être précisées pour comprendre le mouvement social au sein du monde du travail : il s'agit de «représentativité» (nous n'abordons pas ici la définition juridique) et «dialogue social».
La représentativité
Il s'agit d'un terme intimement lié au discours syndical et duquel s'alimentent les polémiques : qui représente qui ? Dans quels buts ? Quels sont les critères de représentativité ? Reste-t-il à l'heure actuelle des syndicats représentatifs ? Ce sont là des questions de fond qu'il serait intéressant de prendre en charge, car cette représentativité ne saurait s'évaluer sur la seule base comptable, où la logique serait que plus le nombre d'adhérents est important, plus le syndicat est représentatif et plus il peut peser sur les décisions, et inversement. Par ailleurs, sa relation avec l'Etat est également un élément d'appréciation important car il traduit le niveau de démocratie prévalant au sein de la société dans son ensemble. Ces interrogations liées à la représentativité posent en fait un problème plus large qui est celui de la place de l'organisation syndicale dans la société et de sa dimension sociologique.
Le dialogue social
Il se traduit par la concertation, la négociation, l'échange d'informations, etc. nécessaires à l'engagement de toute action. Selon le sociologue A. Touraine, le dialogue social est déterminant dans l'influence sur la prise de décision, d'où l'intérêt à accorder à la dimension démocratique.Une autre conception considère que le dialogue social ne relève pas uniquement du domaine idéologique et politique, il est vu également comme une condition nécessaire à la performance économique(5), voilà pourquoi la management moderne s'intéresse à la gestion du conflit.
Les protestations publiques récurrentes sont un indicateur de l'absence d'espace de concertation et de dialogue accepté par les travailleurs. A l'ordre prôné par l'organisation industrielle rationnelle, répond le désordre. A l'expression répond la répression : il est tout à fait logique, selon l'ordre des choses, que les grévistes soient réprimés dans un espace (public) qui ne leur appartient pas en tant que salariés mais qui appartient au Citoyen. Alors que par le passé la réflexion était orientée vers le mouvement ouvrier, elle s'intéresse désormais au mouvement social dans son ensemble dans la mesure où les salariés de différents secteurs adoptent un comportement collectif identique.
A l'époque, les revendications ouvrières, essentiellement salariales, étaient exprimées uniquement en rapport avec le pouvoir d'achat et des conditions sociales locales ; or, depuis quelques années et grâce à l'ouverture des médias sur l'extérieur (la parabole, Internet), s'est ajouté à ce premier niveau d'expression, la comparaison avec les salariés dans d'autres pays pour apprécier le statut du travailleur dans notre société.
Un élément important ne doit pas passer inaperçu dans l'étude du mouvement revendicatif, il s'agit de l'élément féminin qui pèse par son poids au sein des secteurs de l'éducation et de la santé qui sont les deux secteurs qui connaissent une effervescence importante ces dernières années. Mais si le syndicat n'est plus ce qu'il était, du fait de son manque de représentativité, et aussi du fait de la non-représentation syndicale au sein des firmes étrangères installées dans le Sud du pays (cas de Meryem licenciée de son poste par une multinationale en grève de la faim depuis plus d'un mois et pour qui une mobilisation nationale et internationale a été déclenchée)(6).
Le syndicat n'est plus ce qu'il était depuis le pluralisme syndical issu des événements de 1988 ; néanmoins, les syndicats autonomes (ceux de la santé, l'administration et l'enseignement) peinent à activer dans des conditions normales pour plusieurs raisons dont le manque de moyens matériels et financiers. Nous avons précisé que les grèves se sont multipliées ces dernières années dans les secteurs de l'éducation et de la santé, car le secteur public a été affaibli par les licenciements massifs et les fermetures d'entreprises, mais aussi parce que ces deux secteurs sont les plus sensibles de la société :
- le corps médical en grève affecte une partie importante de la population en attente de soins ;
- le corps enseignant en grève affecte tous les jeunes qui sont scolarisés, du primaire jusqu'au supérieur. Il est clair que l'impact sur la société de l'action des salariés de ces deux secteurs n'est pas négligeable.
Ce qu'il faudrait également retenir, c'est la composante des contestataires, la différence avec la catégorie des ouvriers jadis majoritaires dans les mouvements de grève est que ces derniers appartenaient à des niveaux subalternes avec de
faibles qualifications comparativement à la catégorie de grévistes de niveaux universitaires qui sont sur le devant de la scène à l'heure actuelle.
Les caractéristiques sociologiques des grévistes ne sont donc plus les mêmes et il faut les prendre en considération lorsque l'on étudie les conflits de travail actuels d'une part, comme il faudrait s'intéresser aux caractéristiques sociologiques des représentants syndicaux de l'UGTA pour dégager en quoi ils pourraient être différents de leurs précédents et en quoi cela influe-t-il sur le fonctionnement du syndicat d'autre part.
Ce qu'il faut retenir des revendications de cette catégorie socioprofessionnelles, c'est également sa volonté de revaloriser le savoir au sein de la société en mettant nettement en relief qu'il ne peut y avoir de développement et de changement positif sans amélioration de son statut et c'est à ce niveau qu'apparaît la faiblesse du discours officiel qui ne reflète plus la réalité vécue.
Un mouvement social ne se développe pas spontanément, il est latent jusqu'à ce qu'un facteur déclenchant lui permette d'éclater, à la SNVI par exemple, c'est le fait que la majorité des travailleurs ne pouvaient pas bénéficier des augmentations décidées par la tripartite à cause de l'article 87 bis du SNMG et le fait également de la suppression du départ en retraite anticipée. En l'absence d'un syndicat mobilisateur, la solidarité avec la société civile (occuper la rue) dans les formes de combat se manifeste, l'espace public devient un lieu d'expression. Il y a donc bien une faiblesse du dialogue et des structures au sein desquelles il peut se dérouler.
Si les ouvriers continuent à se mobiliser en dehors du cadre syndical, cela signifie que cette mobilisation est considérée comme informelle (illégale diront d'autres), cette informalité touche en tous cas d'autres sphères que celle de l'économique ; qui dit informelle dit absence d'emprise des institutions officielles sur la situation et indique la marge de manœuvre (ou de liberté) qui existe chez le collectif des travailleurs. Nous sommes ici en plein dans la théorie sociologique de l'action telle que développée par M. Crozier et E. Friedberg (in L'Acteur et le Système). Est-ce à dire qu'il existe une «identité collective» ? Ceci mérite réflexion dans la mesure où il faut analyser le phénomène en relation avec la spécificité de la société algérienne.
L'exploitation des nouvelles technologies de communication est un facteur à prendre en considération aussi dans la mobilisation «extra» syndicat unique, il s'agit d'échange et de communication qui enrichissent la perception de la réalité par les grévistes ou autres travailleurs. Nous sommes au siècle de la communication et de l'information, les moyens modernes de communication ne se limitent plus au niveau local, les Algériens deviennent peu à peu des usagers réguliers du Web et du Web 2.0 en particulier. Ceci a été démontré lorsque les lycéens des classes de Terminale avaient protesté contre les programmes chargés et la progression des cours, tous les détails de leurs actions et contacts étaient véhiculés grâce à la toile.
Lorsque l'on parle de mobilisation, et on l'observe fréquemment à l'heure actuelle, cela ne signifie nullement qu'il y a une perception unique et homogène de la réalité dans la mesure où les situations de travail sont différentes, mais il y a un contexte économique et politique qui fait émerger ce comportement collectif, en l'occurrence la mondialisation et ses conséquences sur les entreprises nationales. Le discours politique officiel relatif à cette situation est récurrent avec notamment la nécessité d'arriver à un niveau de performance élevé pour assurer la croissance, néanmoins le discours idéologique qui était pris en charge par l'UGTA durant la période socialiste et qui valorisait la collectif des travailleurs du secteur industriel public est actuellement absent, alors que les salariés se sentent menacés par les multinationales et le secteur privé national. De plus, le paysage est devenu plus complexe car le dialogue social s'est enrichi d'une nouvelle catégorie qui est celle du patronat, et de bipartite on est passé à la tripartite. Dans ce cadre, une situation d'insécurité est vécue par les salariés.

Notes de renvoi :
1) Des statuts au contrat : l'émergence du travailleur collectif comme acteur social. In les Cahiers du CREAD n°21-1990.
2) A ce sujet, cf. l'article récent de Gh. Oukazi in le Quotidien d'Oran du 19 .01. 2010.
3) Grève et société en Algérie : 1969-1985. Cahiers du CREAD, n°6-1986
4) Cf. l'ouvrage, Les mouvements sociaux. Diversité, action collective et globalisation.Antimo L. Farro, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 2000.
5) Le dialogue social, un élément de la performance de l'entreprise. Eric Sellier. Les cahiers du CERGOR. Université Paris 1 Sorbonne N° 03/02 ; avril 2003.
6) A ce sujet, la grève de la faim est aussi une nouvelle forme d'expression adoptée par les contestataires, elle est parfois individuelle et parfois en groupe.
7) Nous ne parlerons pas ici de l'Institut National d'Etudes et de Recherches Syndicales DRARENI, sous tutelle de l'UGTA, compte tenu des limites de son champ de réflexion et d'intervention.


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