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Malak Abdelaziz - Roland Barthes, ces arbres qu'on déracine
On ne devine pas toujours l'énigme du Sphinx !
Publié dans El Watan le 22 - 12 - 2005

Non, ce jour-là, ce n'est pas un orage qui a décidé de son propre chef, de déraciner ce vieil arbre sur les bords du Nil, et le laissa s'abattre sur les passants. On ne se substitue pas aux arbres, surtout lorsqu'il s'agit de poésie. C'est ce que faisait entendre, grosso modo, une rubrique nécrologique publiée dans un journal du Moyen-Orient. Il y eut parmi les victimes la grande poétesse égyptienne, Malak Abdelaziz (1921-2000). Elle attendait un moyen de transport pour vaquer à ses affaires dans le vieux Caire.
Un vieil arbre qui, apparemment, en voulait à une poétesse ! Voilà qui allait alimenter la discussion dans les cafés caïrotes ! Un triste finale pour une symphonie poétique. Al Djahiz (776-868), le grand ponte de la prose arabe, dit-on, trouva la mort sous des piliers de manuscrits. Sa boulimie livresque eut le dernier mot sur lui. Roland Barthes (1915-1980), l'illustre sémioticien, fut renversé par une voiture au moment où il quittait le Collège de France. La voiture de Mouloud Mammeri (1917-1989), le romancier algérien, alla percuter un tronc d'arbre dans la région de Aïn Defla, alors qu'il était de retour de Oujda. Et la liste est bien longue ! A la lecture de cette étrange notice nécrologique, je ne pus m'empêcher de faire une petite remontée dans le temps. Cela se passait en 1975, au cours d'une soirée littéraire, au Club des Pins, à l'occasion de la tenue d'un congrès des écrivains arabes. Le président Houari Boumediène, qui avait fait sa petite harangue devant un parterre de prosateurs et de poètes quelque peu déboussolés en raison des retombées de la guerre d'octobre 1973, quitta les lieux en douceur. Je fis la rencontre, pour la première et la dernière fois, de cette grande poétesse. Une dame aux gestes savamment calculés, à l'articulation nette et précise, mais sans affectation, se tenait au milieu de ses pairs. Pas grand changement, me dis-je alors, entre le modèle si vivant devant moi et la photo que je vis de lui, dans une revue littéraire libanaise au début des années 1960. Remarquant mon émoi sur le champ, un poète parmi l'assistance me dit d'une voix susurrante : c'est l'épouse du Cheikh ! Puis, il m'expliqua que le Cheikh n'était autre que Mohamed Mandour, le grand homme de lettres égyptien dont la thèse, soutenue à la Sorbonne, sur la critique littéraire méthodologique chez les Arabes, constitue toujours le livre de référence pour quiconque manifeste de l'intérêt pour les questions littéraires. Dans le vaste salon, les congressistes s'étaient disposés en petits groupes. D'aucuns, nostalgiques du Nassérisme, lançaient des commentaires d'une trivialité effrayante. D'autres, voulant donner le change à eux-mêmes, se mirent à réciter des poèmes, mais, le « Démon était loin de s'agiter à leurs côtés », selon le beau et le judicieux jugement de Charles Baudelaire. En fait, je pouvais lire alors, sur les visages, la grande déroute de tout le Moyen-Orient : défaite devant les sionistes, répression militaire sans précédent, avenir incertain, etc. Seule la misère physique comme psychique semblait se répartir, équitablement, entre cet ensemble plutôt hétéroclite de prosateurs et de poètes. Ce fut une chute libre dans des profondeurs qui semblaient n'avoir pas de fond. Le Sinaï occupé, la Palestine plus meurtrie que jamais et le Golan annexé. La supercherie politique n'avait pas d'égal du côté arabe. Un de mes amis, de ceux qui ont étudié au Caire, me présenta à la poétesse Malak Abdelaziz. Elle fut ravie de constater que je connaissais sa poésie. Son large visage, si harmonieux, qui se cachait derrière des lunettes épaisses et transparentes, se couvrait d'un voile de tristesse qu'elle parvenait, cependant, à faire dissiper par un sourire à la manière de ces grandes actrices du cinéma muet. Une lueur soudaine se fit dans ses yeux, puis elle me demanda : quel est votre âge ? Drôle de question en une telle soirée dont les promoteurs la voulurent poétique au plus haut degré ! Je suis né en 1945, à Alger, lui répondis-je, en m'attendant à une autre question tout aussi singulière. Trente ans, n'est-ce pas ? Mon fils est un peu plus âgé que vous ! Elle sombra dans un silence insondable durant quelques secondes. C'est alors que je pris mon courage à deux mains pour lui demander à mon tour : est-il poète comme vous, madame, ou serait-il critique littéraire comme son père ? Ni l'un ni l'autre, répondit-elle avec ostentation, c'est un pilote ! Si ma mémoire ne me trahit pas, la petite discussion avec la grande poétesse s'arrêta à ce stade. Je la vis passer promptement d'un état psychique à un autre, comme si elle avait l'habitude de le faire à sa guise quand le besoin s'en faisait sentir. A l'instant même où elle décida de gagner sa chambre, un vague sentiment m'envahit. C'est pas vrai, me dis-je à moi-même, je suis dans une veillée funèbre et non dans une soirée littéraire ! En vérité, nous étions à des années de lumière de la poésie. Non, c'est un pilote ! L'usage du présent de l'indicatif est frappant. La phrase ne me semblait pas toute faite. Elle a dû être bien retournée dans l'esprit de notre poétesse et, peut être, lancée en d'autres occasions, là où « le désordre des choses » pouvait imposer sa loi, selon mon ami, le romancier Rachid Boudjedra. Après avoir hiverné un quart de siècle dans mon subconscient, elle refit surface à la lecture de la notice nécrologique. Malak Abdelaziz venait, alors, de perdre son fils, pilote de guerre, dans le Sinaï, durant la guerre d'octobre 1973. Elle gardait jalousement son terrible secret. J'en suis toujours à m'interroger : notre poétesse a-t-elle choisi de mourir sous le poids d'un vieil arbre ? Son fils avait-il une quelque ressemblance avec moi ? On peut mourir d'une balle perdue, sur un lit d'hôpital, ou encore dans un moment d'extase. On ne devine pas toujours l'énigme du Sphinx.

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