L'armée syrienne a mené, hier à Idleb, une vaste opération pour réprimer les protestataires, le pouvoir restant sourd aux appels internationaux demandant des enquêtes indépendantes tandis que des milliers de Syriens continuent de fuir le pays. «Des dizaines de chars, de blindés, des transports de troupes et des camions militaires ont été déployés aux entrées de Khan Cheikhoun, et les soldats ont commencé à envahir» cette ville proche de Hama, a précisé, hier, le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, Rami Abdel Rahmane, basé à Londres. Mais trois mois après son lancement et en dépit de la répression, le mouvement de contestation ne fléchit pas. Les militants pro-démocratie ont appelé à de nouvelles manifestations aujourd'hui, pour une nouvelle journée de mobilisation contre le régime du parti unique Baas qui sera dédiée à Saleh Al Ali, un héros de la révolte contre le mandat français. La Turquie à la rescousse Plus de 5000 Syriens ont par ailleurs trouvé asile au Liban et 8500 autres en Turquie. Cette dernière a décidé de venir en aide aux milliers de réfugiés se trouvant à la frontière du côté syrien. «Il y a actuellement plus de 10 000 personnes juste en face de notre frontière, derrière les barbelés (...) Nous avons décidé de venir en aide à nos frères syriens pour subvenir à leur besoin urgent en alimentation», a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, à Ankara. La Turquie envisagerait également de créer une zone tampon militarisée en territoire syrien en cas de guerre civile dans ce pays, affirme le journaliste turc de renom Mehmet Ali Birand. «Ce qu'on m'a dit, c'est que s'il y a une guerre civile en Syrie, il y aura une ruée de réfugiés vers la Turquie, avec 100 000 ou 200 000 personnes, alors l'Onu s'en mêlera et la Turquie sera obligée de fermer la frontière et de créer une zone tampon» avec son armée, a-t-il déclaré. Il s'agirait, selon lui, d'une «option qui a été évoquée au plus haut niveau». Un diplomate sous le couvert de l'anonymat a cependant nié avoir connaissance d'un tel projet. «Dans les circonstances actuelles, nous discutons de toutes sortes d'options. Il peut s'agir de l'une de ces projections», a-t-il toutefois ajouté. La paralysie à l'ONU Face au durcissement de la répression, un groupe d'experts des 27 Etats membres de l'UE a entamé, hier à Bruxelles, des travaux «en vue d'élargir le champ des sanctions contre la Syrie», a indiqué un diplomate européen. Il s'agit de marquer «une nouvelle gradation», après deux premiers trains de sanctions ayant déjà visé des caciques du régime, puis le président syrien lui-même. Les experts «discutent de noms et de sociétés» qui pourraient être placés sur une nouvelle liste de sanctions. Cette dernière pourrait être adoptée en marge du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement à Bruxelles. La discussion à l'échelle européenne sera probablement influencée par l'évolution des négociations à l'ONU, où Européens et Américains essaient depuis plus de deux semaines de faire condamner la Syrie au Conseil de sécurité, assimilant la répression qui a déjà fait plus de 1200 morts à un crime contre l'humanité. Ils se heurtent cependant aux résistances de plusieurs partenaires, Russie et Chine en tête. En effet, Moscou et Pékin ont exprimé leur opposition à toute ingérence étrangère dans les crises des pays arabes, à travers un communiqué signé hier lors de la visite en Russie du président chinois Hu Jintao. «La communauté internationale peut apporter une aide constructive pour ne pas laisser la situation se détériorer, mais aucune force étrangère ne doit s'ingérer dans les affaires intérieures des pays de la région», lit-on dans la déclaration signée par M. Medvedev et M. Hu.