L'armée syrienne, qui a envoyé hier de nouveaux renforts à Deraa, a poursuivi le bombardement de la vieille ville, selon un témoin. Dans la matinée d'hier, un convoi de véhicules blindés et d'autocars remplis de soldats est entré dans la ville, six jours après l'envoi de chars et de véhicules de transport de troupes. Des obus se sont abattus dans la vieille ville, selon un habitant des faubourgs qui a requis l'anonymat. La veille, le bombardement avait tué le fils de l'imam de la mosquée Omari, ainsi que sa femme et ses deux enfants. «Les pilonnages se sont intensifiés. C'est la pire soirée. Les femmes et les enfants sont sur les toits en train de crier 'Allah est le plus grand' contre le tyran», a raconté un habitant du quartier de Manchia dans la vieille ville. Selon lui, les agents des forces de sécurité pénètrent dans les maisons et poussent les hommes vers des autocars en attente. «Il y a des tireurs embusqués sur le toit de la mosquée» Omari, a déclaré un autre habitant, en ajoutant que les forces de sécurité semblaient, pour la première fois, contrôler la vieille ville. «Il semble qu'ils veuillent achever leur opération aujourd'hui. A voir le nouveau déploiement de chars, il semble qu'ils intensifient leurs opérations aujourd'hui», avait auparavant déclaré un autre habitant. Les troupes et les chars, commandés par un frère du président Assad, Maher, ont commencé à entrer lundi dans Deraa, coupant l'électricité et interrompant les communications. Une source militaire a déclaré à l'agence de presse officielle Sana que les forces syriennes pourchassaient dans Deraa des «groupes armés terroristes» qui s'en étaient pris à des biens. Selon cette même source, six membres de ces groupes ont été tués, 149 personnes recherchées ont été arrêtées et une importante cache d'armes et de munitions a été saisie. Deux membres des forces de sécurité ont aussi été tués et sept blessés, a ajouté la même source. Selon l'organisation syrienne de défense des droits de l'homme Saouassiah, les forces de sécurité ont tué au total au moins 560 civils depuis le début des manifestations à la mi-mars. En dépit de l'imposant déploiement militaire et de nombreuses arrestations, des milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Banias, alors que les opposants ont appelé à des manifestations dans tout le pays. Sous le slogan «la semaine de la levée du siège», les «jeunes de la révolution syrienne 2011» ont promis de nouvelles manifestations, dimanche à Deraa, lundi dans les environs de Damas, mardi à Banias et Jeblah (nord-ouest), et mercredi à Homs, Talbiseh (centre) et Tal Kalakh, à la frontière avec le Liban. Jeudi, les manifestants entendent organiser des «sit-in nocturnes» dans toutes les villes. Deux personnalités de l'opposition syrienne ont parallèlement été arrêtées. Hassan Abdelazim, âgé de 81 ans, a été appréhendé à Damas, tandis que Omar Kachach, 85 ans, était arrêté à Alep, selon le Centre syrien pour la défense des prisonniers de conscience. Les forces de sécurité ont d'autre part arrêté 11 femmes qui participaient, dans le centre de Damas, à une marche en solidarité avec les habitants de Deraa. De son côté, le nouveau Premier ministre syrien, Adel Safar, a annoncé la création de commissions chargées de proposer des textes de loi et des amendements afin de procéder à des réformes politiques, judiciaires et économiques, a rapporté Sana. Sur le plan diplomatique, le président des Etats-Unis a imposé des sanctions économiques contre plusieurs responsables et entités administratives du régime syrien. De son côté, l'UE a également annoncé son intention de décréter un embargo sur les armes et de préparer d'autres sanctions contre le régime syrien. Par ailleurs, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a voté une résolution demandant l'envoi urgent d'une mission en Syrie pour enquêter sur les violations des droits de l'homme. Deux jours avant, les quinze membres du Conseil de sécurité de l'ONU avaient échoué à se mettre d'accord sur une condamnation de Damas. Enfin, des émissaires turcs se sont rendus à Damas, pour tenter de persuader le régime baathiste syrien de mener des réformes. Le chef du gouvernement turc Recep Tayyip Erdogan s'était entretenu plus tôt au téléphone avec le président syrien, pour, avait-il dit, lui faire part de «notre inquiétude, nos craintes, notre inconfort face aux récents événements».