Le retrait de l'armée syrienne du Liban est aujourd'hui une évidence que les nombreux convois confirment chaque jour. Les camions qui ramènent vers la Syrie hommes et matériels sont de plus en plus nombreux, et la cadence est telle qu'il est difficile de les faire circuler à des horaires et des cadences précis. Hier encore, et certainement jusqu'à la fin de ce mois selon un calendrier officieux, les troupes syriennes poursuivaient leur retrait de la montagne surplombant Beyrouth vers la plaine de la Békaâ, dans l'est du Liban. Les soldats syriens évacuaient leurs positions à Dhour Al Choueir et à Bologne, au nord-est de Beyrouth. Dans la nuit de samedi à dimanche, une soixantaine de véhicules militaires syriens transportant des hommes de troupe franchissant le poste-frontière syrien de Jdaidat Yabous ont été vus, en provenance du Liban. Les troupes syriennes doivent maintenir un avant-poste sur les hauteurs du col du Baïdar et leur première base de repli sera située à Jdita, dans la Békaâ, tandis que les services de renseignements syriens, y compris leur commandement à Beyrouth, étaient fin prêts pour se retirer. L'armée syrienne avait entamé mardi son repli du nord et de l'ouest du Liban, vers l'est, après une décision prise par les présidents syrien Bachar Al Assad et libanais Emile Lahoud d'opérer ce repli d'ici à fin mars. L'armée syrienne avait évacué vendredi la totalité de ses positions au Liban-Nord, où quelque 3000 militaires étaient déployés, mais les sept bureaux connus des services de renseignements syriens dans cette région étaient toujours en place hier. Selon le ministre de la Défense libanais, Abdel Rahim Mourad, quelque 6000 soldats syriens sont concernés au total par cette première phase du repli. L'émissaire de l'Onu Terje Roed-Larsen a annoncé samedi après un entretien avec le président Assad qu'il présenterait au secrétaire général Kofi Annan « les détails d'un calendrier du retrait total syrien du Liban » en début de semaine prochaine, sans préciser la date de ce calendrier. Avant cette première phase, quelque 14 000 soldats étaient stationnés au Liban, dont la majorité se trouvait déjà dans la Békaâ. C'est donc la fin avancée d'une époque, mais celle à venir suscite de nombreuses interrogations, y compris chez ceux qui poussaient au départ des Syriens. En ce sens, le président libanais a mis en garde samedi contre une « catastrophe » si les manifestations se poursuivent au Liban, où marches et contre-marches se succèdent, et où chaque camp semble compter ses forces. Le président Lahoud ne semble pas penser à l'avenir politique du Liban. Il craint une provocation qui pourrait enduiller le pays. « Si les manifestations continuent çà et là, il suffira à celui-là même qui a perpétré l'assassinat de lancer une grenade. Qu'en sera-t-il alors de nos enfants ? », a lancé M. Lahoud. « S'ils veulent continuer (à manifester), un petit pétard mènera à la catastrophe », a insisté M. Lahoud. « Nous ne sommes ni en Géorgie ni en Ukraine. Nous avons vécu 17 ans de guerre (...), cette chose peut arriver à nouveau (...) mais nous n'allons pas laisser faire », a-t-il ajouté. L'opposition antisyrienne a appelé à un rassemblement aujourd'hui sur la place des Martyrs, dans le centre de Beyrouth, un mois après l'assassinat le 14 février de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri dans un attentat à l'explosif, qui a coûté la vie à au moins 18 autres personnes. Depuis cette date, des milliers de Libanais, bannière frappée du cèdre au vent, se rassemblent chaque soir sur cette place, qu'ils ont rebaptisée place de la Liberté, aux cris de « la Syrie dehors » et « Liberté, souveraineté, indépendance ». L'opposition plurielle a rendu les régimes libanais et syrien, en sa qualité de « pouvoir de tutelle », responsables de l'assassinat de Hariri. Mardi, les alliés de Damas ou considérés comme tels, notamment le Hezbollah, ont repris le contrôle de la rue et fait défiler des centaines de milliers de partisans dans le centre de la capitale. Ils ont annoncé un programme de manifestations similaires dans tout le pays, notamment dimanche à Nabatiyé, au Liban-Sud. De quoi sera alors fait demain ? Une question qui revient avec insistance même chez les moins pessimistes.