Les Marocains, qui manifestent régulièrement depuis le mois de mars dernier, ne se faisaient certainement aucune illusion quant à la volonté de changement exprimée dès les premières semaines de leur mouvement de protestation. Il y a des formules-clés qui caractérisent le régime de leur pays, et c'est sur ces points et non pas le simple discours qu'ils attendaient leur souverain. Le roi a tenu son engagement de procéder à des réformes, mais à entendre les jeunes Marocains, aucun verrou n'a sauté, et à suivre leurs conclusions, le Maroc ne deviendra pas ainsi, une monarchie constitutionnelle. La conclusion tirée du discours prononcé, vendredi soir, par le souverain marocain, c'est que le roi demeure un acteur important du pouvoir exécutif, puisqu'il préside le conseil ministériel, au sein duquel les grandes stratégies de l'Etat sont déterminées. Il restera, en outre «commandeur des croyants et chef de l'Etat» et sa personne sera «inviolable». Le roi reste aussi le chef des armées et dispose du pouvoir d'accréditer les ambassadeurs et les diplomates. Tout est dit dans ce qui constitue la réponse du Palais, et inévitablement, cela n'allait pas satisfaire tous ceux qui battent le pavé depuis longtemps. Notamment le Mouvement des jeunes du 20 février, qui appelle à une marche de protestation, aujourd'hui, dans plusieurs villes du royaume. «Les coordinations nationales (du Mouvement) ont appelé à manifester pour une Constitution véritablement démocratique et une monarchie parlementaire», a déclaré, hier, Najib Chaouki, l'un des membres de la section de Rabat du Mouvement. «Le projet, tel qu'il a été proposé par le roi vendredi, ne répond pas à nos revendications pour une véritable séparation des pouvoirs. Nous protesterons pacifiquement aujourd'hui contre ce projet», a-t-il ajouté. Ces manifestations pacifiques sont prévues notamment à Rabat, Casablanca, Tanger (Nord), Marrakech (Sud) et Fès (Centre), précise le Mouvement. Autant dire que le discours de Mohammed VI a été bien lu et bien compris dans tous ses volets qui, à la vérité, ne constituent qu'un seul. A ce titre, la section de Casablanca de ce mouvement relève que «le statut religieux du roi a été très renforcé, et c'est très inquiétant». Ahmed Mediany, de la section de la capitale économique du royaume, ne cache pas sa déception. «Le roi préserve l'essentiel de ses pouvoirs en tant qu'acteur politique. On ne s'attendait pas à ça». Le roi Mohammed VI du Maroc a présenté, vendredi soir, un projet de réformes constitutionnelles qui renforceront le rôle du Premier ministre. Ce dernier, selon le projet, sera issu du parti majoritaire au Parlement, alors que jusqu'à présent, le roi pouvait choisir le Premier ministre de son choix. Ce qui à vrai dire, n'est pas nouveau, avec une première expérience menée avec l'ancien chef de l'USFP, Abderrahmane Youssoufi, à la tête du gouvernement d'un pays en crise, et sans réelle marge de manœuvre, celle-ci étant absorbée par le palais royal. Mais pour ce dernier, le projet dévoilé vendredi vise à «consolider les piliers d'une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale». Il sera soumis à un référendum le 1er juillet prochain. A entendre les jeunes manifestants du Mouvement du 20 février, le face-à-face risque donc de se prolonger, même si les Marocains doivent se rendre aux urnes dans une dizaine de jours. Pourquoi un tel empressement, devrait-on se demander par ailleurs ? En procédant ainsi, le palais royal laisserait très peu de temps aux réactions. Ce qui à l'inverse explique la décision de l'opposition de renouer avec la protesta sans le moindre délai. En d'autres termes, s'opposer à ce qui tiendrait lieu de passage en force, sans qu'il y ait précipitation en quoi que ce soit. L'opposition considère que rien ne sera réglé avec de telles attributions, que la démocratie s'arrêtera aux portes du palais, et que la justice n'ira jamais bien loin dans les affaires de corruption.