Une énième rencontre «informelle» entre le Polisario et le Maroc se tient depuis hier à New York. Bien que l'ONU ait appelé à des négociations sans préalable, le Maroc présente son projet d'autonomie comme unique point à discuter et comme unique solution au conflit l'opposant au Polisario. En imposant ce préalable, Rabat vise à gagner du temps dans un contexte de ni guerre ni paix qui semble l'arranger, alors que le Maroc continue à occuper le Sahara occidental, à réprimer les populations et à en exploiter les richesses. Un statu quo «intenable» «Résoudre le conflit du Sahara occidental demeure une priorité des Nations unies et nous espérons que cette prochaine rencontre sera productive et aidera les parties à aller au-delà de l'impasse», avait indiqué, la semaine dernière, le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Martin Nesirky. L'envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, Christopher Ross, avait affirmé le 18 octobre dernier, lors de sa tournée dans la région du Maghreb, que le statu quo caractérisant la question du Sahara occidental est «intenable». «Il n'y a pas de doute que le statu quo (dans la question du Sahara occidental) est intenable à long terme étant donné les coûts et les dangers qu'il entraîne», avait déclaré M. Ross à la presse à l'issue de l'audience que lui a accordée le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. «Il s'agira d'examiner les voies et moyens de surmonter l'impasse actuelle en vue de trouver une solution qui garantira le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui conformément aux résolutions de l'ONU», avait indiqué à l'APS M. Boukhari. Pour M. Boukhari «la raison de cette impasse est due à la prétention du Maroc d'imposer au Sahara occidental sa proposition de l'autonomie comme seule base de solution au conflit», ajoutant que «le principe d'autodétermination requiert une consultation du peuple sahraoui sur son avenir y compris l'option de l'indépendance du territoire sahraoui». Boukhari estime que «l'élément nouveau qui planera sur cette troisième réunion informelle est la volonté du peuple sahraoui, exprimée ces dernières semaines, de rejeter l'occupation marocaine à travers la décision de milliers de Sahraouis d'opter pour l'exode et de construire des camps de réfugiés à proximité d'El- Ayoun». La partie marocaine considère cette protesta des populations sahraouies du territoire occupé comme une manifestation mue par des revendications sociales sans objectif politique. Néanmoins, la police marocaine n'a pas hésité à réprimer férocement ce mouvement de protestation qui met à nu le caractère colonial de la présence marocaine au Sahara occidental. «J'espère que le Maroc ne continuera pas à rejeter cette réalité telle qu'exprimée par le peuple sahraoui et par la communauté internationale, laquelle a exprimé son refus à reconnaître et à octroyer la légitimité à toute prétention marocaine sur le Sahara occidental», a-t-il dit. «Position confortable» des Sahraouis Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Mohamed Salem Ould Salek, avait souligné que les Sahraouis sont dans une «position confortable», à partir du moment où, a-t-il dit à la radio algérienne, la légitimité internationale «est de notre côté, en plus du fait que nous ne posons aucune condition, en dehors des exigences des Nations unies contenues dans les différentes décisions de l'Assemblée générale et de la résolution du Conseil de sécurité». A ce propos et du point de vue du droit international, la partie sahraoui qui subit les affres d'une occupation injuste, d'une répression féroce et d'une exploitation illégale de ses richesses naturelles, se rend à New York avec les seuls arguments de l'ONU qui considère le Sahara occidental sous occupation marocaine et qui reconnaît le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination à travers un référendum sous l'égide des Nations unies. «Nous avons déjà accepté la proposition d'intégrer le choix de l'autonomie suggéré par le Maroc, à côté de celui de l'indépendance ou du rattachement pur et simple au Maroc», a rappelé le chef de la diplomatie sahraouie qui a mis l'accent sur le refus du Maroc de toute autre solution, en dehors de sa proposition d'autonomie comme solution définitive. Le Conseil de sécurité avait demandé, dans sa dernière résolution 1871, en mai 2009, au Maroc et au Front Polisario de poursuivre les négociations sous les auspices du secrétaire général de l'ONU, «sans conditions préalables et de bonne foi», en vue de parvenir à une «solution politique juste, durable et mutuellement acceptable» qui pourvoit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental. C'est à ce titre et fort des résolutions de l'ONU que le gouvernement sahraoui «appelle le Conseil de sécurité et les Nations unies à prendre les mesures nécessaires et à imposer des sanctions contre le royaume marocain afin de l'amener à se conformer aux exigences de la légalité internationale pour parachever le processus de décolonisation en Afrique», précise le communiqué. Le gouvernement de la RASD interpelle les Nations unies quant à la «gravité» des déclarations du souverain marocain qui menacent «la sécurité et la stabilité et qui risquent de saper les efforts de la communauté internationale visant à l'instauration d'une paix juste et durable dans la région», ajoute le document rendu public à l'issue du discours du roi du Maroc. Les déclarations de Mohamed VI «entravent les efforts pour le règlement du conflit à un jour du début du nouveau round des négociations entre les deux parties du conflit (le Front Polisario et le Maroc) à Manhasset (Etats-Unis),» précise encore le communiqué qui ajoute que «le souverain marocain fait fi de la légalité internationale et s'entête à imposer le fait colonial au Sahara occidental». Le discours de Mohamed VI, souligne le communiqué, est chargé de «menaces contre l'armée de libération sahraouie (ALPS) dans les territoires sahraouis libérés ou contre les citoyens sahraouis dans les territoires occupés, ou encore contre l'Algérie qui accueille les réfugiés sahraouis ayant fui la répression des forces marocaines qui ont tenté de les exterminer au napalm et au phosphore blanc en 1975». Après avoir «mis en garde contre l'aggravation de la situation précaire que vivent des milliers de réfugiés sahraouis dans le camp de Gdeim Izik à l'est d'El Ayoun,» le gouvernement sahraoui souligne que le roi du Maroc «a ignoré (dans son discours) la situation lamentable des réfugiés et leurs revendications économiques, sociales et politiques légitimes, n'hésitant pas même à les menacer». La fuite en avant du Maroc Ainsi, le souverain marocain poursuit sa stratégie de fuite en avant en s'en prenant à l'Algérie qu'il rend responsable des problèmes de son pays. Afin de mieux camoufler ses contradictions, le Palais royal s'impose comme tuteur des réfugiés sahraouis à Tindouf et accuse l'Algérie de les avoir séquestrés et de les réprimer, faisant fi des délégations de journalistes étrangers, d'ONG et de parlementaires de différents pays d'Europe et d'Amérique qui vontrégulièrement à Tindouf et même dans les territoires libérés du Sahara occidental et se rendent compte de visu de la réalité des réfugiés sahraouis. Si le roi du Maroc veut tromper ses populations, il ne peut leurrer avec ses discours enflammés la communauté internationale qui exprime son soutien à la cause sahraoui, et au droit du peuple du Sahara occidental à l'autodétermination. Ken Ritchie, membre fondateur du comité de soutien britannique au Sahara Occidental a appelé dimanche à Londres le gouvernement britannique à un soutien plus large à la cause sahraouie. «Le gouvernement britannique ne fait pas suffisamment pour cette cause et n'exerce pas de pressions sur le Maroc», a indiqué M. Ritchie, soulignant cependant que Londres «ne peut rester indéfiniment insensible à cette question devant la pression exercée quotidiennement par les parlementaires et la société civile en général». Pour Ken Ritchie, «la cause sahraouie gagne en popularité au sein de la société civile en Grande-Bretagne car les Britanniques sont très sensibles à l'injustice notamment lorsqu'il s'agit de respect des droits de l'Homme». «Les droits élémentaires du peuple sahraoui sont violemment transgressés. Nous ne pouvons rester insensibles devant les dérives de l'armée marocaine», a-t-il conclu.Des organisations non gouvernementales (ONG) et des militants des droits de l'Homme américains ont demandé au président des Etats-Unis Barack Obama d'user de son influence auprès du Maroc pour qu'il respecte les droits de l'Homme, dont le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Dans une lettre adressée au président Obama, les signataires ont déploré la situation au Sahara occidental, notamment après que des Sahraouis d'El Ayoun occupée eurent quitté la ville en signe de protestation contre leurs conditions de vie pour s'installer dans des camps et qui «se retrouvent encerclés par l'armée marocaine qui les prive d'eau et de nourriture». «Le conflit du Sahara occidental est une question qui trouve un consensus chez les Américains qu'ils soient démocrates, républicains ou indépendants», a souligné la présidente de la fondation américaine «Defense Forum Foundation», Mme Suzanne Scholte, une des signataires de la lettre. «Nous sommes profondément concernés lorsque des Sahraouis se retrouvent dans une situation de danger pour avoir, seulement, exprimé de manière pacifique leurs droits fondamentaux», souligne la lettre, signée par un grand nombre d'ONG, de personnalités américaines, à l'instar de l'ex-ambassadeur Frank Ruddy et de militants américains des droits de l'Homme de New York, Californie, Texas et autres Etats américains. «Des Sahraouis, vivant dans les territoires occupés, sont emprisonnés et torturés pour avoir réclamé leur droit à l'autodétermination et à la liberté», déplorent les signataires. «Nous sommes convaincus que votre appel au Maroc de respecter le droit du peuple sahraoui à la liberté pourra éviter une escalade de la situation», ont affirmé les signataires à l'adresse du président Obama. Par ailleurs, ils ont indiqué que la situation qui prévaut au Sahara occidental «montre clairement l'urgence d'élargir les prérogatives de la Minurso à la protection des droits de l'Homme dans ce territoire». Le président de l'Association de solidarité avec le peuple sahraoui de Toscane (Italie) demande au secrétaire général des Nations unies d'intervenir face aux «violations répétées» des droits de l'Homme au Sahara occidental, a-t-on appris dimanche à Rome auprès du représentant du Front Polisario en Italie, Omar Mih. Dans cette lettre, cosignée par le maire de la ville de Campi Besencio, (Toscane), le président de l'association, Sandro Volpe, a rappelé «la mort du jeune sahraoui, assassiné le 24 octobre dernier, lors d'une intervention de l'armée marocaine contre des civils sahraouis qui voulaient rejoindre un camp de réfugiés, près d'El-Ayoun». Il a ensuite demandé au SG des Nations unies d'«intervenir en toute urgence auprès du roi du Maroc pour mettre fin à la répression dans les territoires occupés du Sahara occidental». Sandro Volpe a fait part également au SG de l'ONU du «harcèlement» subi par les populations sahraouies dans les territoires occupés depuis l'annexion du Sahara occidental en 1975 et la répression dont elles sont victimes de la part des forces d'occupation marocaines. Dans ce cadre, il a rappelé les différents rapports d'ONG internationales et du haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, faisant état de «violations constantes» des droits de l'Homme et de «répression» au Sahara occidental. «Les observateurs internationaux témoignent aujourd'hui de la répression exercée contre les populations sahraouies qui ont fui la ville d'El Ayoun pour s'installer dans un camp aux alentours et dont la situation s'aggrave de jour en jour du fait du siège de ce camp imposé par l'armée marocaine, empêchant leur approvisionnement en produits de première nécessité (nourriture, eau et médicaments)», souligne le texte. Le président de l'association a, à cet égard, exhorté le secrétaire général de l'ONU à «faire tout ce qui est en son possible pour hâter le règlement du problème sahraoui» qui dure depuis 35 ans, et ce, conformément aux résolutions des Nations unies. Il a estimé que «l'échec de l'ONU face à ce problème minerait sa crédibilité et celle de la diplomatie internationale et contribuerait à l'aggravation des conditions de vie des milliers de Sahraouis» dans les territoires occupés. Auparavant, Sandro Volpe a rappelé l'avis de la Cour internationale de justice de La Haye de 1975, réaffirmant que le Sahara occidental est un territoire non autonome, et qui nécessite «l'autodétermination du peuple sahraoui». Il a ajouté que «depuis l'occupation de ce territoire par le Maroc, une partie du peuple sahraoui a été poussée à l'exil, alors que les Sahraouis des territoires occupés, qui manifestent contre leurs conditions de vie, sont réprimés». A. G.