Paco Sery est une légende vivante de la percussion jazz. Il a modernisé la sanza, l'instrument traditionnel ouest-africain, surnommé «le piano à pouces», et il joue de la batterie comme un homme prend un verre d'eau. Il a joué aux côtés d'artistes aussi connus que l'Autrichien Joe Zawinul ou l'Américain Jaco Pastorius. Il fut parmi les premiers à croire au jazz fusion. Avec son groupe Sixun, il a participé à la production d'une douzaine d'albums depuis le premier, Nuit blanche en 1985. En 2000, il a sorti son premier album solo, Voyages. Il a collaboré avec Joe Zawinul pour au moins cinq opus dont le célèbre Midnight jam. Paco Sery a été invité par l'artiste malien Cheick Tidiane Seck à prendre part à son concert au neuvième Festival international du jazz de Constantine Dimajazz. -Il y a toujours chez vous cette volonté de sortir des schémas classiques et d'aller vers de nouvelles sonorités... Je suis en permanence à la recherche de nouvelles sonorités. Et puis, ici en Algérie, on est quand même chez nous. Franchement, le jeu avec le groupe de Constantine Dar Al Bahri fut pour nous une belle rencontre. J'espère que ce n'est pas fini. Ce n'est que le début. Inchallah, on verra. Je sais qu'il y aura de belles choses dans le futur. -Et votre travail avec Cheick Tidiane Seck ? Nous avons fait ensemble l'album de Salif Keïta. Il reste que cela fait vingt-cinq ans qu'on joue comme en famille. J'ai mon projet, Cheick a aussi le sien. Et je n'oublie pas mon groupe, le Sixun, ils sont toujours là, prêts à jouer (Sixun a été créé au début des années 1980, ndlr). -En solo, vous n'avez pas beaucoup produit… Oui, j'ai fait un album il y a dix ans. Et là, je prépare un deuxième qui va sortir bientôt. Cet album contiendra des musiques différentes. Il y aura de nouvelles sonorités, mais avec une inspiration africaine -Actuellement, cette musique se renouvelle-t-elle ? Stagne-t-elle ? Une musique qui se fait «exploiter»… En tous cas, toutes les musiques sont exploitées… Moi, j'ai une culture large. Dans ma musique, chacun se retrouve. Pour moi, la musique africaine se fait certes exploiter, mais se porte bien et se joue toujours. Il faut suivre le mouvement, on est en plein dedans. Notre musique ne se perdra jamais. -Peut-être que la World music perd un peu de son souffle... Cela dépend de celui qui joue cette musique. Pour notre part, nous ne sommes pas fatigués. On ne le sera jamais. Tant qu'on est là, c'est à nous de donner le bon exemple aux jeunes qui arrivent derrière nous… -Donc, la relève est assurée ? Bien sûr ! Le mouvement de la musique ne va jamais s'arrêter. De plus en plus de musiciens africains émergent actuellement sur la scène internationale. Il est clair que le continent africain a un potentiel énorme. Donc, je ne me fais pas de souci sur cette question. -Et comment faire pour que les Africains produisent leurs propres albums qui restent sur le continent ? Cela se fait actuellement. Il est vrai que ça a du mal à sortir du pays. Les artistes sont parfois mal entourés. Mais ce n'est pas un drame. C'est pour cela qu'on est là. Nous avons la chance de connaître les deux côtés. A nous de donner la force aux jeunes qui arrivent derrière pour continuer. -Vous êtes ivoirien et votre pays a traversé une grave crise politique. Comment voyez-vous l'avenir de la Côte d'Ivoire ? On ne pouvait rien faire devant des responsables qui se battent entre eux au lieu de penser à développer le pays. Je suis content que les choses se soient réglées et que la paix commence à revenir. Que ce soit Gbagbo ou Ouattara, je m'en fous… l'essentiel est qu'il fasse mieux que Félix Houphouët Boigny (il a dirigé la Côte d'Ivoire de 1960 à 1993, ndlr). On peut tout dire sur Houphouët, mais lui au moins a construit le pays. Et celui qui dirige la Côte d'Ivoire doit faire mieux que lui. A ce moment-là, on pourra parler. -Mais, est-ce que les artistes ne devraient pas porter leur voix et crier fort pour stopper les injustices et les atteintes aux libertés ? C'est fini ! Ouattara est au pouvoir. On lui souhaite d'avoir la force de gouverner le pays, faire reconstruire le pays et que ça redémarre comme avant.