On les appelle les enfants du système, ils se sont rarement trouvés en dehors, souvent dedans. Anciens chefs de gouvernement, officier supérieur à la retraite, ou personnalités nationales, ayant répondu à l'invitation de la commission nationale de consultations sur les réformes politiques, ou l'ayant déclinée, se sont tous rendu à l'évidence que les choses doivent changer dans le pays. Simple effet de mode ou convictions sincères ? Quoi que l'on pense, leurs avis sur les réformes proposées, et la manière dont elles sont conduites ont largement entamé le crédit de leurs organisateurs. Membre du Haut Conseil d'Etat (HCE), une instance qui a dirigé le pays après le départ du président Chadli Bendjedid en janvier 1992, Ali Haroun, avocat de profession, vient de rejoindre le rang des pourfendeurs d'abord en déclinant gentiment l'invitation qui lui a été adressée puis en critiquant la démarche elle-même. A l'instar de son ancien collègue au sein du HCE, le général-major Khaled Nezzar, Ali Haroun propose, dans une tribune publiée hier dans plusieurs journaux, «la dissolution du Parlement, et l'élection, dans un délai de six mois, d'une nouvelle Assemblée chargée de procéder aux amendements proposés à la Commission de consultation». L'avocat n'a pas caché son «inquiétude sur la méthode qui détermine sélectivement les personnalités consultées» (…) et sa finalité surtout, celle «de convaincre la communauté internationale d'une réelle avancée démocratique» dans le pays. Zohra Drif, sénatrice désignée dans le tiers présidentiel au Conseil de la nation, est allée, elle, jusqu'à demander une Assemblée constituante, une revendication cardinale, depuis des lustres, de l'opposition démocratique. D'aucuns ont été étonnés, par ailleurs, d'entendre Mme Bitat, si proche du chef de l'Etat auquel elle doit, d'ailleurs, son poste au Sénat, faire siens les mots d'ordre des opposants ! Que dire de Sid Ahmed Ghozali, ancien chef de gouvernement, une des premières personnalités politiques à rencontrer le triumvirat chargé de mener les consultations politiques ? Il a qualifié la démarche de diversion et a considéré que le problème algérien n'était pas dans les lois, mais dans ceux qui les transgressent. Mokdad Sifi, un autre ancien chef de l'Exécutif, n'a pas manqué, en déclinant l'invitation de la commission, de publier un brûlot contre le pouvoir, comme il ne l'a jamais fait jusque-là. Hormis donc quelques tartuferies, quelques démarches intéressées et les clientèles habituelles du régime, il est évident, à présent, que le sort de la commission nationale de consultations était bien celui que d'aucuns lui avaient prévu à sa création : l'échec. Les personnalités contactées pour lui insuffler quelque crédit – l'ancien chef de gouvernement et candidat à l'élection présidentielle d'avril 2004, Ali Benflis, et l'ancien président de la République, Liamine Zeroual – se seraient également excusées de participer à une telle kermesse dont beaucoup doutent de la finalité. Même Ali Kafi, ancien membre du HCE, ensuite président (après l'assassinat du président Boudiaf en juin 1992, aux côtés de Ali Haroun, Khaled Nezzar, qui est loin d'être un chantre de la démocratie, a refusé de se rendre au siège de la Présidence, où se tiennent les consultations. En réalité, il y a une sorte de consensus national autour de l'inefficience d'une démarche menée au pas de charge dans un climat politique délétère, où l'opinion publique a eu encore une fois à redécouvrir des pratiques d'une autre époque, lorsque la police s'est permis l'impudence de faire la chasse aux opposants politiques, le président du RCD, Saïd Sadi, et d'autres militants du parti, dans les rues d'Alger au milieu d'une foule ahurie. L'une dans l'autre, le discrédit qui frappe la démarche présidentielle, bien que nombre de personnalités précitées mettent beaucoup de précautions à évoquer la part du chef de l'Etat dans ce qui se passe dans le pays et les pratiques que l'on croyait révolues, il sera difficile de trouver une échappée à la crise qui bloque le pays.