Les Constantinois ne comprennent toujours pas quel sort s'est acharné sur leur vieille ville en cette année 2005. En l'espace de 9 mois, le site a connu les affres de la démolition avant d'être classé patrimoine national pour bénéficier réellement d'un plan de réhabilitation qui continue de susciter moult tergiversations. Dans la matinée du 20 février dernier et sans aucun préavis, une opération de démolition des bâtisses de Souika a été entamée sur décision de l'ex-wali de Constantine, Tahar Sakrane. Les démolitions ont touché en une semaine 38 bâtisses classées menaçant ruine par les autorités qui affirment qu'elles ont été squattées par des indus occupants, alors que l'association des propriétaires des maisons, des associations de sauvegarde du patrimoine de Cirta et autres spécialistes de l'urbanisme n'ont pas hésité à qualifier cet acte d'irréfléchi et de précipité, surtout que les concernés et les connaisseurs de la valeur architecturale et culturelle de la vieille ville n'ont à aucun moment été consultés sur la question. Suite à une vive polémique, qui a secoué les milieux constantinois, l'ex-wali de Constantine, Tahar Sakrane, avait déclaré dans un entretien accordé à un quotidien arabophone qu'il avait pris la décision de démolition sur la base de documents prouvant que les maisons ciblées étaient un danger réel pour le voisinage portant l'entière responsabilité sur les propriétaires qui n'ont pas respecté leurs engagements. Pour les connaisseurs de la vieille ville, des maisons d'une valeur historique ont été ciblées dans les rues Benzegoutta (ex-Morland), des Cousins Kerouaz (Zanqet Lamamra) et Abdallah Bey (Essaïda). Les prétextes avancés par les autorités ne semblaient guère convaincre les associations qui œuvrent pour la protection du patrimoine de la vieille ville. Selon leurs affirmations, les autorités auraient pu murer les accès aux habitations et interdire aux propriétaires de les louer au lieu de recourir à la destruction systématique. Une action qui porte, selon les spécialistes, un sérieux préjudice au tissu architectural de la vieille ville. Saisi au temps opportun, le ministère de la Culture agira pour l'arrêt des démolitions en attendant les résultats de l'enquête diligentée par une commission ministérielle. Il faudra attendre, néanmoins, la parution du décret exécutif n°05-208 du 4 juin 2005 ou la vieille médina bénéficiera des dispositions de la loi 98-02 relative à la protection du patrimoine par sa déclaration de secteur sauvegardé. Une mesure salutaire longtemps attendue par les associations et les amis de l'antique Cirta. La déclaration de sauvegarde permettra ainsi la conservation et la protection du site, mais aussi une réhabilitation des immeubles inclus dans le secteur sauvegardé. Cette démarche sera bien confirmée par le nouveau wali de Constantine, Abdelmalek Boudiaf qui, deux mois après son installation, s'engagera, lors d'une conférence de presse, à mener à bien l'opération pour « réhabiliter tout ce qui est réhabilitable et rendre à la vieille ville de Constantine son prestige ». La relance récente du fameux « masterplan » ou plan directeur de rénovation préparé par les experts italiens de l'université Roma III, en présence des ministres de l'Habitat et de l'Urbanisme, celui de la Ville, le secrétaire général du ministère de la Culture et Son Excellence l'ambassadeur d'Italie, semble avoir ouvert un autre débat entre les partisans de la conservation intacte de l'héritage historique et ceux qui prônent une certaine modernisation des aspects architecturaux. Un débat qui risque de faire traîner encore les choses pour ressusciter une médina qui agonise.