Les mauvaises prestations, l'hostilité de l'environnement, en plus de l'absence de véritables loisirs dissuadent les Algériens à faire du tourisme chez eux. L'Algérien n'a pas de destination fixe pour ses vacances d'été. Les destinations changent au gré des saisons, mais surtout de leur situation matérielle. Si la Tunisie était devenue notre endroit préféré, il n'est pas certain qu'elle le restera avec les événements qu'a connus et que connaît ce pays. Moi, j'ai choisi le Maroc.» Rencontré à l'intérieur de l'agence rouge ocre de Royal Air Maroc à la rue Didouche Mourad, à Alger-Centre, Khaled préfère partir au Maroc, alors qu'il a «pris ses quartiers durant trois saisons successives» en Tunisie. La cherté du billet d'avion n'a pas dissuadé cet habitant de Bouzaréah à partir chez le voisin de l'Ouest avec toute sa marmaille. «La situation est plus stable à l'Ouest. J'aurais aimé y aller par route, mais la frontière est toujours fermée. Je pars avec ma femme et mes deux enfants à Agadir, chez l'amie de ma sœur», signale-t-il. Ces dernières semaines, une rumeur sur la réouverture des frontières, fermées en 2005, a fait le tour de certaines agences de voyages, même celles de l'intérieur du pays. La phrase assénée par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui exclut l'ouverture de la frontière dans l'immédiat, a finalement dissuadé des responsables d'agence de voyages de préparer cette destination. La Turquie a, semble-t-il, la préférence des Algériens. «Le billet Alger-Istanbul est excessivement cher. Il varie, ces derniers temps, entre 58 000 et 60 000 DA. Il était de seulement 35 000 DA il y a quelques mois. Reste que beaucoup de réservations sont faites, assure un employé de l'agence Happy Tour, établie à Chéraga. Les réservations sont presque complètes jusqu'au 1er août. Le nombre de vols a baissé. Des agences ont lancé des offres pack : vol + hôtel. Il est possible de visiter ce pays à partir 123 000 DA.» L'agence Happy Tour propose toujours la destination Tunisie, qui a toujours le vent en poupe. «La situation sécuritaire en Tunisie n'empêchera pas les gens d'y aller. Nous avons programmé un voyage par bus, le 4 juillet. 50 personnes ont déjà réservé. Un séjour en demi-pension de 10 jours coûtera 27 000 DA par personne. Des promotions sont proposées pour les familles», assure l'employé qui souligne qu'une escorte sera assurée depuis la frontière jusqu'à Tunis. Quid de la «destination Algérie» ? La politique des tarifs d'Air Algérie, sur laquelle sont contraintes de s'aligner d'autres compagnies aériennes, reste dissuasive. «Le billet d'avion pour Istanbul a atteint les 60 000 DA ces derniers jours. Le quota vendu aux agences rend plus cher le billet. Certaines agences ont trouvé un succédané : acheter le billet pour Istanbul à 300 euros en Tunisie. Les agences préfèrent acheminer, par la suite, leurs clients vers Tunis et, de là-bas, s'envoler pour la Turquie. Ça coûte moins cher», assure voyagiste qui a requis l'anonymat. Qu'en est-il de la destination Algérie ? «La destination Algérie s'est nettement améliorée par rapport aux années précédentes», s'est enorgueilli, en fin de semaine dernière, dans une déclaration à El Watan, le directeur de la communication et de la coopération au ministère du Tourisme, soulignant que les préparations entamées depuis septembre 2010 «ont abouti à des résultats». Lesquels ? Le chargé de communication n'en a donné aucun. La cherté des hôtels n'est pas seule en cause. Les mauvaises prestations, l'hostilité de l'environnement, en plus de l'absence de véritables loisirs dissuadent les Algériens à faire du tourisme chez eux. L'Office national du tourisme (ONAT), qui affirme sur son site qu'«il est le premier tour operator en Algérie qui détient un rôle stratégique dans la dynamique du développement du tourisme national et international grâce à son personnel qualifié et ses quarante-cinq années d'expérience», ne fait rien pour «retenir les Algériens chez eux.» Simple constat de l'inanité des structures étatiques : le programme de l'Office n'est pas encore mis à jour et son site continue à diffuser une promotion sur la Omra 2010. Les vacanciers, qui préfèrent voir du pays chez eux, sortent souvent des circuits officiels. «Les gens louent des chambres ou carrément des appartements en bord de mer. Les bungalows et les appartements pieds dans l'eau peuvent coûter 100 000 DA ou même 350 à 400 000 DA. A plusieurs, ça revient moins cher», signale Slimane, jeune cadre d'une banque, qui préfère partir chez des amis à Mostaganem. «C'est mieux que les hôtels infects qui ne proposent rien aux familles. Aucune offre. Une chambre peut coûter au bas mot 2000 DA. Louer à Alger ou dans les wilayas du littoral peut coûter 20 000 à 45 000 DA la semaine. C'est excessivement cher, surtout pour les familles démunies», assure-t-il. Reste que pour cette année, le mois de Ramadhan, qui commencera le 1er août, dissuadera beaucoup de personnes de voyager cette année. «L'Algérien préfère faire le carême chez lui, où l'ambiance familiale est assurée. La saison estivale s'achève chez nous le 1er août», se désole un voyagiste qui parle d'une «saison ratée».