Le chiffon est à l'honneur, cette semaine, dans l'Algérie de la «fierté» et la «dignité». Nos honorables députés – comme par enchantement – sont revenus à de «meilleurs» sentiments à l'égard du peuple d'en bas qui les a élus. Ils ont, au crépuscule de leur mandat, décidé de lui renvoyer l'ascenseur en lui offrant, de droit cette fois, de la friperie à prix cassés… Quel beau cadeau d'un élu à son électeur ! L'actuelle Assemblée populaire nationale, sans doute la plus mal élue et la moins influente depuis l'indépendance, a réussi un formidable coup de force en imposant à nouveau l'autorisation de l'importation des vêtements usagés (la friperie). Il faut reconnaître aux quatre députés à l'origine de cette mesure un immense talent de lobbyistes pour avoir pris le gouvernement à contre-pied ainsi que leurs collègues de la Chambre basse. La mesure a été validée, au grand dam du gouvernement qui promettait de déclarer la guerre à l'import-import sous les oripeaux d'un patriotisme économique velléitaire. Ahmed Ouyahia, qui glose sur le poids des lobbies, devrait nous expliquer comment deux élus de son parti se sont associés à la confection de cette disposition anti-économique et pourquoi son groupe parlementaire l'a avalisée sans réserve. Il y va de l'éthique politique pour un Premier ministre qui se présente comme le «sauveur» de la République. Ironie de l'histoire, ce sont précisément ses ouailles qui lui donnent du fil à retordre dans sa politique protectionniste. Plus grave encore, c'est le plan gouvernemental de relance de l'industrie du textile, doté de deux milliards de dollars, qui s'en trouve remis entre guillemets. Comment, en effet, retisser une filière déjà fortement laminée par la vogue chinoise avec cette scandaleuse autorisation du chiffon ? Les travailleurs du textile, qui vont protester aujourd'hui à la Maison du peuple, ont bien saisi la menace qui pèse sur le métier à tisser cher à Mohammed Dib. Ils ont compris que le gouvernement, mais surtout les députés, filent du mauvais coton. Question : ces députés-importateurs sont-ils à ce point puissants pour nous imposer ces vêtements puants et dangereux dont le gouvernement avoue ne pas pouvoir contrôler la qualité ? Au-delà de ce fait accompli emballé dans la LFC, l'importation de la friperie en devises sonnantes dénote d'un déclassement social de l'Algérien, réduit à se fringuer dans des échoppes nauséabondes, alors que son pays croule sous les pétrodollars. C'est la meilleure photographie d'une économie nationale froissée par des politiques rapiécées. Il faut se réjouir tout de même de ce que certains sénateurs aient mis à nu le rôle peu glorieux de leurs collègues députés.