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Les avocats récusent les chefs d'inculpation
Affaire autoroute est-ouest
Publié dans El Watan le 01 - 07 - 2011

Une vingtaine d'avocats ont plaidé, hier, devant la chambre d'accusation près la cour d'Alger, contre les inculpations retenues par le juge d'instruction dans le cadre de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest. La décision sera connue le 6 juillet prochain.
Au moins une vingtaine d'avocats ont plaidé, hier, devant la chambre d'accusation près la cour d'Alger, pour défendre les 19 prévenus poursuivis dans le cadre de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest.
La défense a estimé qu'après 22 mois d'instruction, le juge «n'a ni motivé ni argumenté son dossier. Il s'est contenté d'entendre les uns et les autres avant de les inculper», révèle-t-on. Pour eux, de «nombreuses zones d'ombre persistent», citant au passage le fait que le juge n'ait pas lancé un mandat d'arrêt contre Mohamed Bedjaoui, l'ancien ministre des Affaires étrangères, après son refus de répondre à ses convocations. «Il a bien lancé un mandat d'arrêt international contre Tayeb Kouidri et Hallab Kheïr, parce qu'ils n'ont pas répondu aux convocations pour être entendus», déclarent-ils.
Ils ont insisté surtout sur les personnalités dont les noms ont été cités par certains prévenus, comme par exemple Pierre Falcon, ce Franco-Angolais-Brésilien, présenté dans le rapport préliminaire de la police judiciaire, comme étant celui qui a introduit les Chinois en Algérie, grâce à ses relations avec les dirigeants algériens, notamment des ministres, dont Mohamed Bedjaoui, auquel il rendait visite lorsqu'il était en poste à l'Unesco (en France). Condamné en 2008 dans le cadre de l'affaire de vente d'armes au gouvernement angolais (dite Angola-gate), au moment où la rébellion faisait rage, Pierre Falcon a vu sa peine réduite (en appel) de 6 à 2 ans d'emprisonnement, avant d'être libéré le 29 avril dernier (une fois sa peine purgée).
Dans l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, c'est Madjdoub Chani qui l'a longuement cité. Selon lui, il était à la tête d'un puissant groupe de pression français, qui détient la clé des affaires en Algérie, grâce à ses contacts avec les plus hauts responsables civils et militaires algériens. Selon toujours les révélations de Chani, Falcon assumait le rôle d'intermédiaire entre la chinoise Citic-CRCC et les autorités algériennes, dans le but de lui décrocher le marché de l'autoroute et également de l'introduire dans les affaires.
Présent à l'ouverture des plis des offres à Alger en 2006, il était même question de l'inviter à assister à un conseil interministériel, entre Abdelatif Benachenhou, ministre des Finances, Mohamed Bedjaoui, ministre des Affaires étrangères, Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines, et Amar Ghoul, ministre des Travaux publics, consacré à l'autoroute Est-Ouest et les problèmes y afférents. Chani, citant des confidences du PDG de la Citic, aurait expliqué que cette invitation a été proposée par Mohamed Bedjaoui, vu les relations étroites qui le liaient à Falcon. Mais, à la dernière minute, Chakib Khelil s'est opposé à l'invitation. Il aurait eu peur de la réaction du Président si jamais il apprenait qu'un étranger a pris part aux travaux d'un conseil interministériel. Autant d'informations que le magistrat instructeur n'a pas jugé nécessaire d'approfondir. Il s'est contenté de convoquer à deux reprises Mohamed Bedjaoui, sans pour autant que celui-ci ne se présente.
Pour les avocats de Mohamed Chani (dont un Luxembourgeois et un Belge), l'homme d'affaires Mohamed Khelladi, ancien directeur des nouveaux projets de l'Agence nationale des autoroutes (ANA), Salim Hamdane, ex-directeur des projets au ministère des Transports, et Addou Tadj, un commerçant, ont tous récusé la qualification d'association de malfaiteurs pour leurs mandants qui relève du tribunal criminel.
Pour eux, les éléments constitutifs de cette inculpation et définis par les articles 177 et 171 du code pénal, à savoir l'entente anticipée entre les concernés pour planifier les faits avec l'intention de nuire, «n'existent pas et le juge n'a ramené aucune preuve pour justifier son argumentation». Pour leur part, des prévenus ont contesté les qualifications de corruption et de trafic d'influence retenues par le juge arguant du fait qu'il n'y a«aucune preuve qui l'atteste». La défense de la chinoise Citic-CRCC, et de la japonaise Coojal, a elle aussi récusé les inculpations de trafic d'influence, corruption et participation à la dilapidation de deniers publics (contre la Citic), et complicité dans la dilapidation de deniers publics et remise d'indus cadeaux (contre Coojal).
Pour leurs représentants, il y aurait eu probablement une mauvaise lecture des contrats, mais pas de trafic d'influence ou de complicité de dilapidation de deniers publics. Par ailleurs, tous les avocats se sont demandés «sur quelle base le juge a-t-il retenu la dilapidation de deniers publics, alors qu'il n'y a eu aucune expertise pour déterminer s'il y a eu préjudice et de ce fait l'évaluer ?» Le représentant du parquet général a plutôt plaidé pour la criminalisation des faits «dans la mesure où, selon lui, tous les éléments constitutifs du crime d'association de malfaiteurs existent».
Il a conclu sa plaidoirie en appuyant le dossier présenté par le juge d'instruction. Après avoir écouté toutes les parties, la chambre d'accusation a renvoyé l'affaire en délibéré, et sa décision sera connue mercredi prochain.


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