Il est des êtres valeureux qui ont eu une vie pleine de reliefs mais que l'histoire occulte injustement. Il en est ainsi du chahid Zidouri Abdelkader, dit Kheiredine Benjelloun, qui a activé avec beaucoup de ferveur et de détermination pour magnifier les idéaux de liberté et d'indépendance. Malheureusement, il ne put goûter aux joies procurées par l'indépendance, car il quitta ce monde bien avant dans le tumulte des armes et des intrigues liées à la bleuite. De son nom Zidouri Abdelkader, dit Kheiredine, né en 1930 à El Bayadh, fils de Djeloul et de M'barka, il rejoint les rangs de l'ALN en 1956 et a occupé plusieurs responsabilités au sein de l'armée de libération, dont la direction de la Zone III, après la mort du commandant Zakaria El Mejdoub, sous la férule du commandant Moulay Brahim, dit Abdelwahab. Abdelkader, natif de Geryvillev (El Bayadh), est un homme accompli, discret, dont l'enfance a baigné dans l'acquisition du savoir auprès du cheikh Bouhafs Bounoua et dans la célèbre zaouïa d'El Hamel près de Bou Saâda, puis à la Zitouna de Tunis dont il sortit diplômé en 1950. Il poursuivra son cursus à El Azhar où il obtint la plus haute distinction. Rentré en Algérie, Abdelkader rejoint sa région au début de la lutte armée où il milita à El Bayadh à Labiod Sid Chikh, à Bérézina, à Aflou... Sa fougue et son sens du devoir sont mis en évidence par ses compagnons d'armes comme Ben Saâda Ahmed de Béjaïa, Nour Bachir, Djebrit Moussadak et Djeghaba Mohamed, moudjahid qui a activé dans la région d'El Bayadh et qui a connu Abdelkader dit Benjelloul. Djeghaba, l'ancien ministre des Moudjahidine, évoque Zidouri dans ses mémoires (Monologue-dialogue). «Entre-temps, je m'étais rapproché un peu plus de Bendjelloun, qui s'évertuait sincèrement à nous rendre le séjour le plus agréable possible. Il avait une réelle sympathie pour tous ceux qui ont fréquenté la Medersa, le Mouvement scout. Il avait aussi un amour immodéré pour la littérature arabe et la poésie sous toutes ses formes, classique ou populaire. J'ouvre une parenthèse pour signaler que Benjelloun et Nouredine tomberont sous les balles de leurs frères de combat pour être simplement sinon des intellectuels, du moins des lettrés.»Ils furent accusés «d'intelligence avec l'ennemi», en fait, victimes de leur intelligence et compétence que les services spéciaux de renseignements de l'ennemi avaient transformé en connivence avec le colonialisme. C'est cette fameuse guerre de l'intox, menée envers certaines directions de la résistance, connue sous le générique de la bleuite. Malheureusement, l'inculture venait de triompher sur la culture. Tout comme au Nord et, particulièrement, en Kabylie. Je referme la parenthèse.» Le compagnon d'armes d'Abdelkader, l'officier Nour El Bachir, garde le souvenir d'un homme de grande valeur : «Kheiredine était un être sociable, doté d'une culture très riche, car il avait étudié à la célèbre université d'El Azhar du Caire aux côtés de Boukharouba (Boumediène) et Aïssa Benazouz de Laghouat, entre autres.» «Grâce à son savoir, sa présence ne passait pas inaperçue car il distillait ses connaissances et avait ses idées sur le cheminement de la Révolution. En tant qu'intellectuel, il s'imposait, et ses positions étaient forts éloquantes», témoigne Nour qui a été parmi les acteurs les plus en vue dans la lutte au sein de cette vaste région du Sud-Ouest, et précisément aux alentours d'El Bayadh. Nour, qui a fui la région par peur des effets dévastateurs de la guerre psychologique, et notamment de la bleuite, qui ciblait particulièrement les intellectuels, est persuadé que Kheiredine en a été victime, sacrifié gratuitement par ses «frères» de combat. «La hantise des complots avait également gagné, dès 1958, la Wilaya V qui signala une campagne de trahison parmi les officiers», avait écrit Mohamed Harbi.En octobre 1958, le responsable de la mintaqa VIII ordonnait de procéder à «une épuration sans pitié parmi les civils et dans les rangs de l'ALN. Le colonel Lotfi, chef de la Wilaya V, non consulté, protesta et s'attira de la part de la Wilaya IV des propos insultants...». Abdelkader et tant d'autres ne sont pas morts pour rien, leur sacrifice n'a pas été vain, nous dit Nour, convaincu que l'histoire reconnaîtra les siens...