Professeur d'éducation artistique au CEM Ahmed Zidouri de Hassi Messaoud depuis 1990, élu à l'APC de Blidet Amor, Chacha Mohamed Tahar est un artiste né. Bien avant d'embrasser le métier de professeur, artiste amateur, il dépeint la nature saharienne telle qu'il la perçoit dans un alliage de couleurs jaune, ocre, sable et vert. Chacha est aussi un artiste qui vit la souffrance des autres et en brosse le tableau dans des scènes de la vie de tous les jours, notre lot à tous. A 43 ans révolus, quelle lecture faites-vous de votre vie d'artiste ? Ma carrière a été stimulée par la découverte du concept d'artiste éducateur. La peinture, je la porte en moi depuis mes visites précoces à l'école des Beaux-arts. Hélas, en 1987, il n'était pas possible d'y entrer vu l'inexistence de résidences propres à cette école et la faiblesse de mes moyens. Le jeune bachelier de condition rurale que j'étais, n'avait que l'école normale comme débouché. Depuis, je fais de l'art à travers l'éducation et toute ma vision, ma vie se sont métamorphosées au contact des enfants. seize ans d'enseignement m'ont appris que l'art ne peut être réduit à une activité récréative après les matières principales, les enfants eux le savent et considèrent à présent que le dessin est une matière nécessaire, vitale même. C'est à travers cette mue que je m'identifie en tant qu'artiste éducateur et chaque année scolaire me le confirme avec de nouveaux talents à découvrir, notamment en 1è et 4è année de l'enseignement moyen. Pourquoi ces deux années précisément ? Parce que l'enfant est très lié au jeu et à la découverte de soi-même et d'autrui. C'est en ce sens que notre matière est vivante et donne libre champ à son imagination et ses prouesses. Je dis cela par rapport aux sciences et à la géographie où il est orienté. Après le cours proprement dit, on donne toute la liberté à l'expression, quoiqu'une heure par semaine reste insuffisante et le manque d'enseignants d'éducation artistique ne permet pas d'augmenter le volume horaire, mais je sens qu'étant le seul prof qui voit tous les élèves de l'école une fois par semaine, je suis celui qui est le plus proche d'eux. Celui qui les connaît le mieux, leur donne de l'élan, même si le passage au lycée, donc à la vie adulte, les métamorphoses avec la perspective du bac qui relègue le dessin au second plan surtout sous l'influence des parents. Les parents ? Les parents restent en deçà de nos aspirations. Ils voient en l'éducation artistique une matière secondaire et n'encouragent pas la vocation de leurs enfants à part quelques exceptions. Et les affaires publiques ? Vous voulez dire Blidet Amor où je suis chargé du volet social et culturel ? Mon rêve est d'y concrétiser la création d'un comité des fêtes et un office communal du tourisme avant la fin de notre mandat. Cette double casquette m'a permis de traduire les problèmes sociaux et d'aborder autrement la pauvreté rampante, la désertification et les états d'âme comme la tristesse, la solitude, la vieillesse, la cécité, l'enfance mais également les mariages, les danses folkloriques et la fantasia. Avec neuf autres artistes, nous voulons reconstituer l'association des beaux-arts de la wilaya de Ouargla. C'est un projet de renouveau culturel et artistique que nous portons. Nous sommes une famille réduite à quinze artistes puisque beaucoup ont émigré, mais nous aspirons à mettre en œuvre très prochainement un plan de travail qui vise à dénicher des artistes en herbe, surtout parmi les enfants qui seront notre première cible.