Si par malheur un accident arrivait au marché de gros des fruits et légumes d'Attatba (Tipasa), aucun véhicule ne trouvera «un sentier» pour porter secours à la victime. C'est une infrastructure qui reçoit un nombre considérable de véhicules qui dépasse très largement ses capacités d'accueil. Pour se frayer un passage, l'utilisation de ses coudes est impérative en ces instants de grandes manœuvres commerciales. C'est le 20 juin. Il est presque 14h. Le tableau électronique collé au fronton de l'un des grands hangars affiche une température de 34°. Les fellahs, les mandataires, les piétons, les charretiers sont en mouvement dans tous les sens, créant un imbroglio et une anarchie dans les allées, le restaurant est déjà plein de clients, des pères de famille pauvres, mal habillés, collectent les légumes et les fruits auprès des commerçants avant de regagner leurs maisons avec des sachets pleins de produits agricoles, le vendeur des cigarettes affiche un large sourire, un lieu de prière est occupé par quelques fidèles. Des jeunes venus de Boumerdès, visages creux et yeux cernés par le manque de sommeil, scrutent depuis la matinée un éventuel acheteur en ces moments de grandes chaleurs. La vente de leur stock de légumes variés s'annonce un peu difficile. Un jeune croque une carotte cueillie à Aïn Témouchent, lavée par la suite à la coopérative de Boudouaou (Boumerdès) avant d'atterrir au marché d'Atttaba pour être proposée à la vente à 25 DA le kilo. Le marché de gros de Attatba est entouré par les chambres froides appartenant à des investisseurs privés. Celles qui se trouvent à l'intérieur du marché de gros demeurent inoccupées. Elles sont gérées par l'Emagfel. La capacité de stockage de ces 10 chambres froides s'élève à 2500 m3. «Les prix pratiqués dans ce marché d'Attatba sont très compétitifs par rapport aux autres marchés, nous déclare un acheteur venu de Ghardaïa. Vous pouvez le signaler dans votre journal, ici, le vendeur et l'acheteur sont en sécurité, ce qui n'est pas le cas ailleurs, grâce à la vigilance de la direction de ce marché de gros», conclut-il. L'attente des véhicules avant de rentrer au marché dure jusqu'à 2h30. Le chiffre d'affaires réalisé quotidiennement à l'entrée de l'Emagfel d'Attatba avoisine les 500 000 DA. Il faut payer entre 50 à 400 DA pour pénétrer au marché de gros. En revanche, l'accès est gratuit pour les familles. Un générateur d'emplois Ce marché de gros se compose de 178 carreaux. Chaque carreau emploie jusqu'à 10 personnes. Le transport des fruits et légumes emballés dans les casiers depuis le carreau du mandataire jusqu'aux véhicules est assuré par 500 charrettes. «Nos charges fiscales ont atteint 40 millions de dinars précise le Directeur Général de l'Emagfel et nous, nous en sortons bien», mais à présent, nous ne pouvons plus faire quelque chose pour nous développer encore. L'extension de notre marché de gros s'impose. Notre souci est d'améliorer la qualité de services et augmenter les ressources, nous pensons aux produits de l'aviculture et de l'apiculture», enchaîne-t-il. D'autres citoyens louent les balances aux commerçants qui vendent leurs marchandises. L'extension du marché de gros ne peut se réaliser qu'à partir de sa zone Est, limitrophe par une exploitation agricole individuelle (EAI) dont l'usufruitier est un ancien moudjahid. Les pouvoirs publics - du moment que le marché de gros d'Attatba et l'EAI sont des propriétés de l'Etat - doivent songer rapidement à trouver à une solution équitable dans l'intérêt général. En effet, le marché de gros d'Attatba est devenu un générateur d'emplois et de richesses en amont et en aval du secteur de l'agriculture. Pour ce qui est du mandataire du marché de gros, il perçoit sa commission qui varie entre 6% à 8% de la valeur de la vente de la marchandise. Un ancien mandataire tient des propos plus rassurants : «Pour le mois de Ramadhan, il n'y pas lieu de s'inquiéter avec l'abondance des fruits et légumes. La concurrence fera baisser les prix inévitablement, chacun à intérêt à écouler sa marchandise, maintenant pour ce qui des parasites, je veux dire les spéculateurs, les services concernés doivent jouer rigoureusement leur rôle dans un cadre réglementaire. En cette fin du mois de juin, nous avons des difficultés pour écouler nos fruits et légumes, l'offre est largement supérieure à la demande», conclut-il. Un commerçant venu d'Alger salue le rôle de ces individus qui se trouvent à côté de leur camion stationné en contrebas du marché de gros. «Vous savez que ces hommes achètent leurs légumes à partir des régions très lointaines, si la stabilité du marché existe, c'est un peu grâce à eux, car vous ne pouvez pas imaginer un fellah de Oued Souf, de Ouargla ou de Béchar venir jusqu'ici pour vendre ses légumes ou ses fruits, alors ces hommes font le transbordement des tonnes de marchandises d'une région à une autre de notre pays, pour l'intérêt du consommateur également» ajoute-t-il. Interrogés par nos soins, l'un des occupants du camion, qui réside aux Eucalyptus, affirme qu'il travaille sans papiers. «Ma vie, ma maison, mon gagne-pain, c'est le marché, je vous assure que ce n'est pas facile. Nous nous sacrifions énormément. Nous espérons que l'Etat trouvera une solution à notre situation, pour nous éviter toutes les tracasseries dans nos itinéraires», conclut-il. Quid de la traçabilité des fruits et légumes ? Nos interlocuteurs évoquent la création d'une activité intitulée «collecteurs- livreurs» qui existait dans le passé. En obligeant ces commerçants à s'inscrire avec des documents officiels, l'informel sera, semble-t-il, éradiqué. «Le ministère du Commerce doit réfléchir à leurs cas, ils rendent beaucoup de services aux mandataires et aux fellahs qui n'ont pas les moyens pour se rendre aux marchés de gros. Ces hommes qui n'ont ni carreau, ni magasin, ni terre agricole, prennent des risques en parcourant des dizaines de milliers de kilomètres pour approvisionner les marchés de gros. Ils sont en quelques sortes des grossistes en fruits et légumes sans aucun document», nous indique un fellah. En matière de traçabilité des fruits et légumes, les mandataires refusent de prendre en charge ce volet. «Cette tâche accapare notre temps, nous voulons bien que des laboratoires d'analyse et contrôle viennent faire leur travail, pour s'enquérir du parcours et des traitements phytosanitaires de chaque légume et fruit proposés à la vente ici au marché», disent-ils. Le marché de gros des fruits et légumes d'Attatba avait enregistré une entrée quotidienne de 1500 t de marchandises au mois de juin de l'année 2010. Pour la même période de l'année 2011, le volume des entrées journalières en fruits et légumes est passé à 1970 t. Une augmentation considérable. Chaque mandataire locataire d'un carreau est fiché à la Direction générale de l'Emagfel d'Attatba. La présence d'un écran de contrôle assure toutes les identifications des mouvements suspects à l'intérieur du marché de gros. Plus de 60 éléments chargés de la sécurité veillent à l'aide de postes radios à la sérénité de ce grand espace de commerce de fruits et légumes. Un incroyable mouvement de véhicules continue à rythmer la vie du marché de gros en cette fin d'après-midi. Des chauffeurs de camion épuisés par le déchargement de leurs marchandises et le chargement d'une autre livraison préfèrent passer la nuit à la belle étoile au marché d'Attatba, avant de prendre le départ vers une lointaine destination. Cependant, chaque citoyen en quête des prix en fruits et légumes, à la faveur de la transparence dans toutes les transactions, il lui suffit de consulter la mercuriale sur le site : www.emagfel.com, pour s'informer en temps réel du véritable prix d'achat et de vente en gros de chaque légume et chaque fruit vendu à Attatba. Il n'en demeure pas moins que l'absence d'une banque à l'intérieur du marché de gros ou dans la localité d'Attatba fait cruellement défaut, au moment où dans cet endroit précis des centaines de millions de dinars sont brassés quotidiennement.