Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a résumé en une phrase les conditions que doivent réunir les pays arabes pour ancrer les réformes politiques et démocratiques dans leurs sociétés. De la volonté politique et des moyens financiers en rapport avec les défis qui se posent au monde arabe : ce sont là les deux préalables que le secrétaire général de la Ligue arabe a posés pour faire aboutir les réformes dans le monde arabe. Quoique, lorsque la volonté politique pour s'ouvrir aux changements démocratiques existe, le problème de financement ne devrait pas logiquement se poser avec l'acuité décrite par Amr Moussa qui avait lancé un véritable Sos pour renflouer les caisses de la ligue manifestement bien à sec. Est-ce que cette volonté politique arabe existe réellement comme on l'affiche volontiers dans les discours officiels où sous la pression extérieure on tente, contraints et forcés, de se mettre à l'heure des réformes démocratiques suivant un savant dosage qui ne remet pas en cause les systèmes politiques en place ? Difficile à croire lorsque l'on analyse les réalités politiques arabes où les résistances aux changements sont toujours aussi tenaces. Si le secrétaire général de la Ligue arabe a jugé nécessaire d'interpeller les chefs d'Etat et souverains arabes sur cette question sensible entre toutes sans craindre le risque de froisser les susceptibilités à fleur de peau des dirigeants arabes qui n'abordent ce sujet, pour la majorité d'entre eux, même pas du bout des lèvres, c'est bien la preuve que le plaidoyer pour les réformes que la ligue a fait siennes lors du dernier sommet de Tunis avec les nuances que l'on sait sur le respect des spécificités et des valeurs nationales du monde arabe n'a pas séduit tous les dirigeants arabes. L'absence de cadre contraignant pour la mise en œuvre des réformes proclamées, lesquelles sont laissées à l'appréciation et au bon vouloir des dirigeants arabes qui en font l'usage qui leur semble le mieux répondre aux intérêts et aux réalités politiques et sociales propre à chaque pays, donne à ce projet ambitieux un caractère superfétatoire et de simple effet d'annonce politique dicté par la conjoncture internationale. Les préalables posés par certains dirigeants arabes sur le droit du monde arabe à la différence dans le choix du modèle démocratique en revendiquant le respect de leurs « spécificités » et un rythme de réformes adapté à leur réalité cachent mal en vérité la crainte des pays réfractaires au changement de voir ces réformes, même à petites doses et rigoureusement contrôlées, déboucher sur une reconfiguration des systèmes et des pouvoirs en place. L'Algérie, qui apparaît à l'échelle du monde arabe comme un des pays les plus avancés en matière de démocratisation de son système politique, affiche une grande sérénité face à ce dossier. Avec d'autres pays arabes qui ont amorcé des réformes démocratiques, l'Algérie est bien placée pour jouer le rôle d'aiguillon au niveau des Etats arabes conservateurs rétifs à tout changement. Le président Bouteflika ne s'est d'ailleurs pas privé de mettre les pieds dans le plat, lors de son allocution d'ouverture du 17e sommet, en appelant à une accélération de la marche des pays arabes dans la voie des réformes, répondant ainsi indirectement aux dirigeants arabes qui prônent une démarche moins volontariste et un rythme de réformes plus maîtrisable. « L'accélération de l'histoire ne nous permet pas une adaptation lente et graduelle de nos programmes de travail et de nos institutions », a souligné le président Bouteflika à l'adresse de ses pairs arabes. Placée sous le signe des réformes, la présidence algérienne de la Ligue arabe engage un pari difficile qui occupera très certainement le devant de l'actualité arabe avec les pressions extérieures qui s'exercent sur le monde arabe à travers, notamment, le projet de Grand Moyen-Orient. L'Algérie a le privilège en termes d'échelle démocratique de disposer de sérieuses longueurs d'avance au niveau du monde arabe. Tant mieux si cette prise de conscience démocratique communautaire arabe voulue par les Arabes ou inspirée, voire imposée de l'extérieur, peut aider à approfondir encore davantage le processus démocratique en Algérie.