« Je revendique toutes les musiques authentiques algériennes... »A la veille du concert-événement, jeudi dernier, à la salle Ibn Khaldoun d'Alger, le chanteur tlemcénien, Nouri Koufi, nous avait reçus lors des répétitions. Nous avons découvert un artiste au caractère trempé, entier, d'une grande franchise et surtout passionné par la musique. On sent que vous êtes fébrilement stressé lors des répétitions. Une inquiétude ? Pour être très franc, on n'a pas ce qu'il faut pour faire du professionnalisme en Algérie. D'abord, on n'a pas de musiciens disponibles en permanence. Des gens qui se décommandent en dernière minute pour des raisons ou des problèmes professionnels, cela nous perturbe complètement dans notre programme. Alors, l'artiste devient l'arrangeur, l'habilleur, l'ingénieur du son... Avant de monter sur scène, l'artiste est déjà exténué par tout le travail qu'il ne devrait pas faire. L'artiste devrait être reposé, relax et préparé pour son spectacle. Alors, on stresse. Ce sont des choses qui se répercutent sur vous et sur le concert. Vous êtes un méticuleux... Avec toute la matière, on peut faire du bon travail. Si chacun effectuait convenablement son travail, je pense qu'on ferait des merveilles en Algérie. C'est un stress permanent avant les concerts. Mais cela reste un plaisir de retrouver votre public algérois... Oui, c'est avec plaisir que je retrouve mon public après une année. Hamdou lilah ! Les concerts que j'ai déjà donnés ont toujours été des réussites. Et si on est encore debout, c'est grâce à la fidélité de notre public. Nouri Koufi, vous avez trente ans de carrière derrière vous. Et ça dure... ! Mais on n'a plus la même force. Parce que c'est comme une batterie. Cela s'use ! Surtout quand l'artiste ne ménage pas ses forces. Qui dit artiste, dit sensibilité. Et c'est aussi comme un agneau vivant dans une jungle. Justement, vous n'êtes pas très tendre avec le monde de la musique en Algérie... Quand on dit la vérité, vous avez tout le monde qui est contre vous. Vous savez, il y a des musiciens à Alger qui ne veulent pas travailler avec moi, parce que je les fait répéter avant le concert. Je ne peux pas repasser avec le même programme que l'année dernière. Non merci, cela ne m'intéresse pas. Pour donner un nouveau concert, il faut répéter, interpréter d'autres chansons et textes. Ce qu'il faut savoir, j'ai un orchestre constitué de musiciens tlemcéniens et algérois depuis vingt ans. C'est un échange musical des deux écoles d'andalou-hawzi d'Alger et de Tlemcen. Là, les musiciens tlemcéniens vont apprendre une touchia algéroise (ghrib), pour les insirafat, on a trouvé que le tlemcénien c'était plus léger, plus facile à apprendre. Donc, on va le faire. Les musiciens ont la chance d'appartenir à deux écoles. Ils apprennent le tlemcénien et l'algérois. Vous avez la fibre pédagogique du hawzi, andalou.... J'ai enseigné depuis 1974. J'ai été instituteur, puis professeur de musique en 1979. Je pense que l'apprentissage de la musique est très important. Et la lacune est que les musiciens ne veulent pas apprendre. C'est pour cela qu'on est en train de jouer du réchauffé en permanence. C'est pour cela qu'il n'y a pas de nouvelles qacidate (textes), de nouveaux morceaux, parce que l'artiste n'a pas la disponibilité des musiciens pour pouvoir leur apprendre de nouvelles choses. Comment vous définissez-vous en tant qu'interprète ? Moi, je suis un chanteur algérien de musique traditionnelle. Vous revendiquez tous les styles algériens... Je revendique tous les styles algériens. Quel que soit le genre. Je revendique le raï, le chaoui...Toutes les musiques algériennes. Mais celles qui sont authentiques. La musique commerciale a beaucoup déformé des genres algériens. Je ne suis pas contre le développement et l'émancipation de la musique. Cependant, l'on doit respecter ce qui est authentique. Car l'authenticité est notre identité. Sur scène, j'interprète du hawzi et chez moi, je joue du constantinois et du kabyle. Tous ces genres musicaux algériens sont une richesse. Aussi, il faut mettre en valeur les artistes du domaine public. On ne sait pas où sont Fergani, Guerouabi, Serri, Khaznadji...Ce sont des trésors qui sont en train de partir. Et personne ne se soucie de cela. Je pense que la première mesure à faire au niveau du ministère de la Culture est de prendre en charge au plus vite possible les artistes du domaine public... Les artistes ne sont pas respectés et n'ont même pas de statut.