La musique savante reprend peu à peu sa place légitime, celle qui était la sienne dans la ville des Ponts, avec un intérêt grandissant de la part des jeunes. Sans être excessivement nombreux, le public présent ce vendredi au palais Malek Haddad dans le cadre du festival du malouf, du 4 au 11 du mois en cours, était, en vérité, composé de mélomanes. Les spectateurs, jeunes pour la plupart, ont fait preuve d'une qualité d'écoute exceptionnelle, applaudissant aux moments opportuns, encourageant par de favorables appréciations les orchestres qui se sont relayées sur la scène de 20h à 23h. La troupe Errachidia de Mascara s'est produite en ouverture avec, en introduction, une touchia sur le mode zidane, dans le plus pur style constantinois. A titre informatif, cette association a obtenu le 1er prix lors de la deuxième édition du même festival. L'orchestre, avec ses violons et luths, accordés aux doux sopranos féminins et légers ténors masculins, a remarquablement exécuté le fameux m'sadar, «Chemsou El Achia», dont les lentes modulations préparent l'entrée du sultan dans la salle du trône, selon la tradition et règles du chant andalou. Ces précisions nous ont été livrées par le chanteur constantinois, Kamel Bouda. Selon lui, «la plupart des textes du malouf pur sont du poète arabo-andalou Abdel Mawla». Les mélmanes et autres passionnés de musique savante s'accordent d'ailleurs à dire que les cinq étapes de la nouba, dans les trois écoles, - Constantine, Alger et Tlemcen-, sont basées sur les madrigaux, ou courtes pièces de vers exprimant une pensée galante. Le spectacle s'est poursuivi avec le chanteur Salim Rafas de Annaba, et Tarek Zaâzaâ de Constantine. Ce dernier, de l'avis de tous, aussi bien des gens de Constantine, que Mostaganem et Blida, «a accompli une nouba où il y a de la recherche, un véritable travail de fond et de la rigueur, avec un grand respect des règles, sans improvisations farfelues, comme l'exigent les critères du concours». La soirée s'est terminée avec l'invité d'honneur, hors concours, le chanteur de malouf constantinois, Riadh Khalfa. Pour le directeur du palais de la culture, Rabah Aïssou, «ce festival est une réussite: tous les lauréats ont répondu présents, et aucun incident fâcheux n'a été enregistré, grâce au sérieux et à l'engagement de tous». Le grand maestro de la chanson du malouf annabi, El Ayachi Dib, s'est dit très heureux que l'Algérie s'investisse enfin dans la culture, après une longue période de vide culturel effrayant. «Je suis membre du jury de ce festival pour la 4e année consécutive, et je pense que la relève est assurée pour ce genre musical qui représente tout un pan de notre identité. Il faut néanmoins préserver cet art ancestral des fâcheuses innovations, sous prétexte qu'il faut moderniser la musique; celle-ci doit demeurer pure, dans son état originel», nous a-t-il déclaré.