Le boulevard menant au complexe Les Andalouses est assurément l'endroit de la corniche oranaise où on peut rencontrer le plus grand nombre de plaques minéralogiques, de toutes les wilayas d'Algérie, de plusieurs pays. Il s'ouvre, en effet, sur une très vaste et magnifique plage très prisée par les estivants en quête de sécurité et de calme, et aussi pour toutes les commodités offertes permettant un séjour des plus agréables en bord de mer, comme il en existe que peu dans tout l'ouest du pays. C'est l'un des rares endroits de la corniche oranaise où les familles peuvent flâner le long du grand boulevard jusqu'à des heures tardives de la nuit. Le trottoir, assez large pourtant, n'arrive pas à certains endroits à contenir les centaines de promeneurs qui veillent très tard la nuit. Cette grande affluence a favorisé la création de nombreux commerces de toutes sortes, qui ne manquent d'ailleurs pas d'être assaillis par une foule de consommateurs qui se ruent sur les crèmes glacées, boissons fraîches, sorbets et autres thé ou café. Les alcools ne sont servis que dans les restaurants. Au niveau de tous les commerces, les produits proposés à la vente sont taxés à des prix qui ne manquent pas de surprendre plus d'un godelureau. Le rapport qualité-prix est nettement déséquilibré au détriment, bien entendu, de la qualité. On note, par ailleurs, que la nuitée dans tous les motels, qui ont poussé plus vite que les champignons, est aussi hors de prix. Le long de toute cette large esplanade qui surplombe la plage à l'entrée du complexe touristique, se dresse une multitude d'espèces de stands faits de bric et de broc qui se disputent l'espace entre les tables, les chaises et les immenses barbecues dégageant d'épaisses fumées des grillades, entretenues en permanence par le rôtisseur qui jette, de temps à autre, un bout de graisse animale sur la braise afin de provoquer outrageusement les narines chatouilleuses des passants. Une progéniture atteinte de noctambulisme Sur un autre registre, beaucoup de vendeurs proposent toutes sortes de produits manufacturés, dont l'origine asiatique ne fait aucun doute, éparpillés au milieu des boîtes de conserves, de chips, de biscuits et autres friandises que les clients sont contraints d'acheter devant les insistances d'une progéniture visiblement atteinte de noctambulisme aigu. Il faisait chaud cette nuit du 10 au 11 juillet sous la pleine lune dont la lumière se reflétait sur une mer d'huile et faisait scintiller les vaguelettes qui venaient doucement mourir aux pieds nus des promeneurs qui circulent sur le sable agréablement humide. Quelques souffles d'air frais venaient parfois du large atténuer une fournaise que les feux des braseros contribuaient à rendre encore plus insupportable. Alors que beaucoup de familles avaient quitté la ville en quête d'un peu de fraîcheur, certains devaient peut-être regretter le déplacement, en pensant aux désagréments de la circulation qu'ils ont subis «pour rien», ou presque, car il n'y a pas d'attractions pouvant justifier le «voyage». Les baraques érigées en guise de kiosques et les étals installés par les jeunes des villages environnants ne désemplissaient pas. Les commerces, informels ou non, ont été autorisés par la collectivité, a-t-on dit, dans le but de résorber quelque peu le chômage, au moins pendant la saison estivale, une période propice à la création d'emplois temporaires. Ce qui expliquerait sans doute les matériaux employés dans la construction des baraques, les équipements et les ustensiles servant à la préparation des repas. Selon certaines sources, l'ancienne assemblée populaire avait projeté la construction d'un marché couvert avec plusieurs stands, sur le terrain d'un bidonville qui s'est constitué autour d'une ancienne ferme. Mais fallait-il encore arriver à en évacuer les occupants. Une tâche ardue puisqu'il faudrait les reloger… Un marché est, en effet, une opportunité à saisir dans cette région touristique très fréquentée en été, et même hors saison. Le complexe ne désemplit pas durant toute l'année. Ce qui assure à tous ces gardiens autoproclamés, des rentrées d'argent régulières toute l'année, mais qui sont beaucoup plus importantes durant l'été grâce à l'affluence des vacanciers. Les gardes, bâtons persuasifs en main ont, en effet, pris possession du moindre petit recoin pouvant servir de stationnement au plus petit véhicule et ont fixé la place à 100 DA. Les automobilistes ne marchandent que très rarement, et paient souvent sans rechigner, ou ne le montrent pas. L'endroit des promiscuités consenties A l'intérieur, les allées inondées de lumière fourmillent de monde en tenues bigarrées rivalisant d'extravagance, dans un perpétuel va-et-vient de vagues humaines créant de petites bousculades auxquelles personne ne semble prêter attention. Un comportement qui laisse pantois plus d'un. La direction du complexe a dressé de véritables remparts interdisant les chemins conduisant aux bungalows, les réservant aux seuls résidants pour leur éviter d'être importunés par les centaines de somnambules qui vadrouillent sans but apparent, avec des flopées de gamins qui s'amusent comme de petits fous, se faufilant dans tous les coins, échappant complètement à tout contrôle des parents qui, d'ailleurs, ne semblent guère s'en soucier, occupés qu'ils sont dans des discussions à haute voix où il est souvent question de vacances et de comparaisons avec d'autres sites balnéaires. C'est l'endroit où se côtoient toutes les classes sociales difficilement identifiables dans cet indescriptible tohu-bohu ; de plus, chacun semble enfermé à l'intérieur de son groupe, indifférent à ce qui se passe autour de lui. «C'est au milieu de la foule que je retrouve ma solitude, personne ne fait attention à personne. On se sent plus à l'aise que dans d'autres endroits de la corniche où les gens n'ont d'yeux que pour les passants», a déclaré une jeune fille qui déambule avec ses trois copines sans complexe aucun, alors qu'il était minuit passé. Les tamiseurs de sable Tôt le matin, des petits groupes d'enfants des villages voisins, tamisent chaque mètre carré de sable, avec un acharnement déconcertant, à la recherche d'éventuels objets oubliés ou perdus par les baigneurs. «C'est incroyable ce que les gens laissent en quittant la plage et perdent en nageant dans la mer», dit le jeune Amar étonné. «On trouve de tout, avoue-t-il, parfois des objets de valeur sont rejetés par les vagues… Des chaînes, des colliers, des bagues… Mais c'est rare. Sinon on serait déjà riches. On trouve des pièces de monnaie, des briquets, quelquefois des bracelets-montres». Il replonge en riant le nez dans le sable qu'il défriche avec une certaine patience mêlée d'une fébrilité impossible à contenir. Après avoir défriché toute la plage en long et en large, et deux fois plutôt qu'une, les jeunes garçons se regroupent pour inventorier leur butin, avant de quitter les lieux sans regrets. La baignade ? Ils ont toutes les vacances scolaires pour y penser. Le soir, les gamins arrivent à se faufiler, avouent-ils, pour assister aux spectacles qui se déroulent en soirée à l'intérieur du complexe.