Les vacanciers algériens, du moins ceux qui n'ont pas été rattrapés par la grève d'Air Algérie, ont dû, bien malgré eux, s'acclimater des changements politiques intervenus au début de cette année dans certains pays d'Afrique du Nord. La Tunisie, prisée des touristes algériens depuis trois ou quatre ans, (puisqu'ils ont été quelque 3 millions à y avoir passé leurs vacances estivales, attirés par son accessibilité aussi bien sur le plan financier que géographique), n'a pas drainé grand monde cette année. La révolution étant passée par là, la situation encore instable dans ce pays semble avoir découragé plus d'un et pas uniquement les touristes algériens. Le gouvernement tunisien l'a, lui-même, reconnu la semaine dernière en affirmant que le tourisme vit sa pire année depuis son lancement et que 3000 emplois avaient été perdus depuis le début 2011. Selon l'Office national tunisien du tourisme, le nombre de touristes entrant a baissé de 39% et les revenus du secteur ont baissé de 51%. «Les familles qui sont de la classe moyenne se sont abstenues de partir en Tunisie par crainte de toutes les rumeurs sur les agressions, notamment entre la frontière algéro-tunisienne et Tabarka», a indiqué à El Watan Economie Bachir Djeribi, président du Syndicat national des agences de voyage Algérie (SNAV). «Les gens ne sont plus à l'aise comme avant, d'autant que le couvre-feu a été instauré dans certaines grandes villes tunisiennes. Psychologiquement, c'est décourageant parce que le touriste se trouve au final coincé dans un site touristique au bord de la mer», reconnaît-il. Si certaines agences de voyages ont complètement banni la destination Tunisie de leurs offres, parce que le produit «ne se vend plus», nous dit-on, d'autres continuent néanmoins à le proposer à leurs clients, mais «toujours par avion», précise M. Djeribi. Malheureusement, a-t-il ajouté, il n'y a pas assez de vols pour «absorber la majorité des gens qui rejoignaient pendant des années cette destination par route». La conséquence de tout cela est une baisse sensible du chiffre d'affaires de «plus de 50%» sur cette destination et cela s'explique : «Le tourisme est un produit très sensible. Le moindre problème politique, social ou sécuritaire peut l'affecter. La preuve, nous sommes en train de payer au niveau du Sud algérien les pots cassés par rapport à ce qui se passe en Mauritanie, au Mali, en Libye ou au Niger», a déclaré M. Djeribi. Nouvelles tendances Si la Tunisie ne fait plus recette, la Turquie a, quant à elle, la cote et s'impose comme «première destination» des Algériens, nous dit-on du côté des agences de voyages qui en font d'ailleurs leur produit phare, même si, par rapport à la Tunisie, la destination est deux, voire trois fois, plus coûteuse. A titre d'exemple, un séjour dans la station balnéaire d'Antalya, dans un hôtel 4 étoiles, est proposé pour pas moins de 144 000 DA. Si les Algériens s'intéressent à la Turquie, ce n'est pas uniquement à cause de ce qui se passe en Tunisie. «La culture turque a envahi les foyers et suscite de plus en plus d'intérêt et de curiosité», nous dit M. Djeribi. Cela en dépit de «l'argumentation du coût des prestations et des hôtels dans ce pays». Si cette destination reste onéreuse, c'est, explique notre interlocuteur, «en raison du transport aérien qui consomme plus de 45% du package complet». Pas très loin de la Turquie, la Grèce a, elle aussi, le vent en poupe, et ce, en dépit de la situation économique catastrophique du pays et les tensions sur le plan social. M. Djeribi relativise néanmoins : «Les contestations dans ce pays se passent à Athènes et dans les grandes villes, or l'endroit qui est proposé aux Algériens se situe à 400 km au nord d'Athènes, où il n'y a pas d'incidences économiques par rapport à ce qui passe dans le reste du pays». L'intérêt des Algériens pour les vacances à l'étranger reste toutefois à relativiser, car vu le niveau de vie de la population, ceux qui ne peuvent pas se le permettre sont encore nombreux. Un sondage réalisé en 2010 par le cabinet Ecotechnics a ainsi démontré que plus de la moitié des Algériens n'avaient pas pris de vacances au cours de l'été 2009 et environ 1/3 seulement de ceux qui en avaient pris étaient partis à l'étranger, dont 73,4% en Tunisie, 11,6% en France et 5,6% au Maroc. Pour 2010, la tendance était encore à la baisse en raison de la coïncidence d'une grande partie des vacances avec le mois du Ramadhan. Cette année, orphelins de la Tunisie, les Algériens sont invités à passer leurs vacances chez eux à coup de campagnes marketing au parfum nationaliste.